L’application Alerte-COVID ne fait pas l’unanimité chez les étudiants

icone Societe
Par Romeo Mocafico
mercredi 14 octobre 2020
L’application Alerte-COVID ne fait pas l’unanimité chez les étudiants
La protection des données est une préoccupation majeure des étudiants concernant l'application Alerte-COVID. Crédit : Marco Verch via Flickr
La protection des données est une préoccupation majeure des étudiants concernant l'application Alerte-COVID. Crédit : Marco Verch via Flickr

Certains étudiants refusent de télécharger l’application du gouvernement fédéral, Alerte-COVID, lancée la semaine dernière au Québec pour lutter contre la propagation du virus.


« Je n’ai aucune idée de ce en quoi ça consiste, déclare Joseph Wellsen Laporte. J’aurais aimé recevoir plus d’information là-dessus. » L’étudiant de l’UdeM n’a toujours pas téléchargé l’application du gouvernement fédéral, malgré la demande du premier ministre du Québec, François Legault, le 5 octobre dernier.

Sandrine Jamin, étudiante en droit et en enquête et renseignement, ne l’a pas téléchargée non plus. « Je n’ai pas confiance en l’application elle-même, explique-t-elle. Aussi, je ne vois pas l’intérêt pour moi de savoir s’il y a des gens contaminés autour de moi. Je ne trouve pas ça très utile. »

Des craintes pour la vie privée

Le risque d’atteinte à la vie privée est l’une des raisons qui ont poussé ces étudiants à se détourner de cet outil de prévention. « J’ai entendu dire que les gens derrière l’application pouvaient avoir accès à des parties de notre vie privée », rapporte Joseph. Sur les réseaux sociaux, il n’est pas rare de voir d’autres étudiants s’inquiéter des risques liés à la sécurité de leurs données personnelles.

Même son de cloche pour Sandrine, qui estime que les mesures mises en place par le gouvernement pour limiter la propagation du virus sont « un peu excessives ».« Nous demander de télécharger l’application, c’est du “flicage” pour moi, estime-t-elle. Quand on la télécharge, c’est comme avec nos données sur Google, etc. : le gouvernement sait tout ce qu’on fait et tout ce qu’on dit. »

Interrogé à ce propos et sur les potentielles dérives de sécurité de l’application, François Legault s’était voulu rassurant lors de la conférence d’introduction de l’application au public. « Elle [l’application] est fiable et sécuritaire, avait-il assuré. Ni vos contacts ni la santé publique ne sauront qui vous avez vu les dernières semaines. Elle est complètement anonyme. »

 Le ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire, avait également tenu à rassurer les Québécois. « L’application a été testée par BlackBerry, le gouvernement fédéral et le gouvernement ontarien, avait-il précisé. Elle n’utilise pas de renseignements personnels. Si le risque zéro existait, cette application serait ce qui s’en rapproche le plus. »

Une application inutile ?

Si les Québécois pouvaient déjà télécharger l’application avant la semaine dernière, les personnes dont le dépistage était positif ne pouvaient pas signaler leur cas ni renseigner leurs déplacements des jours précédents. Depuis lundi dernier, les détenteurs d’Alerte COVID reçoivent une notification sur leur téléphone intelligent lorsqu’ils ont été en contact avec un utilisateur déclaré positif. Le premier ministre a rappelé l’importance de se rendre dans un centre de dépistage dès la réception du message.

Pour Sandrine, l’utilité même de l’application est à remettre en cause. « Je n’en vois pas l’intérêt, ajoute-t-elle. Il [le gouvernement] essaye de prendre les précautions pour rassurer les gens, mais je ne pense pas qu’avoir une application sur mon téléphone, qui me dit qu’il y a dix personnes qui ont le virus autour de moi, va me rassurer. Je préfère ne pas le savoir. »

 D’après l’étudiante, les autorités sanitaires sont dépassées par la situation. « Elles ne savent pas où elles en sont, elles ne savent pas quoi faire, poursuit-elle. Elles essayent de protéger les gens parce que c’est leur rôle, mais elles n’en savent pas plus que nous, finalement. »

Un geste de solidarité nécessaire pour d’autres

De son côté, l’étudiante au baccalauréat en relations industrielles Émilie-Kim Lepage s’est inscrite sur l’application depuis plus d’un mois, après en avoir entendu parler sur Facebook. Elle considère que son téléchargement est un acte d’utilité publique.


« Nous sommes dans une société collective, où il faut penser au-delà de sa personne, justifie-t-elle. C’est donnant-donnant. Si je la télécharge, puis que j’ai le virus, d’autres personnes vont pouvoir se protéger. À l’inverse, si quelqu’un que j’ai vu l’a pogné, ça me protège aussi, donc c’est aussi pour moi. »

L’étudiante est sereine lorsqu’il s’agit d’aborder la question de la protection de ses données personnelles. « Je suis rassurée à ce niveau, car il s’agit d’une application open source, c’est-à-dire que tout le monde peut aller voir comment est élaboré son système. Elle a été largement analysée. Et puis même, donner quelques informations au gouvernement pour me protéger moi et protéger les autres, sachant que ça n’utilise pas les données de mon GPS, ça ne me dérange pas. »

Émilie-Kim compare également les risques que lui fait courir le téléchargement de cette application avec ceux que présentent d’autres plateformes en ligne. « Oui, c’est une application du gouvernement, mais honnêtement, les risques encourus sont mille fois pires avec Facebook, Snapchat etc., ajoute-t-elle. Si tu as vraiment peur pour tes données, tu devrais plutôt quitter Facebook. »

Le 5 octobre dernier, François Legault avait invité les 6 millions de détenteurs de téléphones intelligents au Québec à télécharger Alerte-COVID, rappelant que son efficacité réside dans le nombre d’inscriptions sur l’application.