La rédaction solidaire

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Par Pascaline David
mercredi 22 mars 2017
La rédaction solidaire
La technique pomodoro et son alternance entre pause et rédaction permettrait de maintenir un rythme de travail plus soutenu. Crédit photo : Courtoisie Thèsez-vous.
La technique pomodoro et son alternance entre pause et rédaction permettrait de maintenir un rythme de travail plus soutenu. Crédit photo : Courtoisie Thèsez-vous.
Depuis trois mois, la technique Pomodoro est utilisée lors des retraites et regroupements « Thèsez-vous ? ». Regard sur cette méthode de rédaction collective qui tend à briser l’isolement et à catalyser l’efficacité des étudiants.

Originellement conceptualisé par Francesco Cirillo dans les années 1980, un pomodori (« tomate » en italien) représente 25 minutes de travail suivies de 5 minutes de pause. « Pomodoro, c’est la petite tomate qu’on utilise pour calculer le temps de cuisson des pâtes dans certaines recettes », lance la candidate au doctorat en psychopédagogie et andragogie à l’UdeM et cofondatrice de « Thèsez-vous? », Sara Mathieu-Chartier, qui a adapté la technique culinaire aux retraites de rédaction « Thèsez-vous ? » ainsi qu’aux séances Thèsez-vous ensemble. Le concept est simple : il s’agit d’alterner trois ou quatre séances de 50 minutes de rédaction et des pauses de 10 minutes. « Cela fait environ trois mois que l’on structure officiellement nos séances de rédaction avec la technique Pomodoro, et ça se passe très bien », révèle-t-elle.

Dans un premier temps, les étudiants établissent une liste de tâches à accomplir et réfléchissent ainsi à ce qui est prioritaire. « Ce qui se passe pour beaucoup d’étudiants, c’est que les tâches non prioritaires sont au début de la liste, et c’est comme si l’on brûlait notre énergie à répondre à des courriels ou à faire des révisions de texte plutôt que de l’allouer à de la vraie rédaction », dit Sara. Ensuite, les étudiants se lancent dans la rédaction durant un blitz de 50 minutes, en ne devant rien faire d’autre que la tâche prévue.

Puis, vient le temps de la pause. « On se déconnecte d’internet, on discute des obstacles auxquels on fait face ou d’autres choses mais, au moins, on est ensemble », indique Sara. D’après elle, l’alternance entre rédaction et pause suppose de maintenir le rythme pendant une période de temps plus longue qu’habituellement et d’évaluer le travail accompli au fur et à mesure. « Cela permet de travailler plus longtemps, ajoute la doctorante. La plupart des étudiants rédigent jusqu’à ce qu’ils ne soient plus capables de rien faire, car ils oublient de boire et de manger pendant des heures. » Cela répond à un autre défi propre à la rédaction de longue haleine, à savoir le fait de surestimer sa capacité à rédiger en peu de temps. « Les étudiants apprennent à développer une appréciation plus réaliste du temps », estime Sara.

Avant de l’essayer, l’étudiante à la maîtrise en études littéraires à l’UQAM Marion Gingras-Gagné n’était pas convaincue par la méthode. « Je suis quelqu’un qui travaille bien seule et je ne voulais pas faire les Pomodoro au début, car je pensais que cela allait briser mon rythme, indique-t-elle. Mais, finalement, je m’y suis mise et c’est très efficace. Les pauses permettent de parler de nos difficultés, de ne pas s’essouffler. »

Pour l’étudiant à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQAM Félix Lebrun-Paré, les rencontres Thèsez-vous ensemble constituent un incitatif important pour respecter l’engagement de rédaction. « En groupe, il est beaucoup plus gênant de procrastiner sur les médias sociaux ou de commencer une brassée de lavage au milieu d’une séance, croit-il. Et le sentiment d’accomplissement final est encourageant pour poursuivre le lendemain. »

Contre l’isolement

Les rencontres urbaines sont autogérées et s’organisent spontanément sur Facebook, en fonction des besoins et disponibilités de chacun. « Les étudiants cherchent aussi à briser l’isolement et à appartenir à une communauté, constate Sara. Une fois que les cours obligatoires sont terminés à la maîtrise et au doctorat, les étudiants sont souvent laissés à eux-mêmes. »

Selon Félix, ces évènements sont également l’occasion d’être moins seul et de travailler avec des personnes vivant des enjeux similaires. « Le groupe produit un effet d’entraînement qui fournit la dose de courage nécessaire pour aborder des nœuds inhérents à tout projet de recherche et de rédaction, ajoute l’étudiant. De plus, un peu d’humour lors des pauses permet de dédramatiser l’exercice et d’échanger des astuces, des références et divers outils pertinents. » La rédaction collective favorise ainsi les échanges et l’évaluation, mais également un travail à la fois solitaire et solidaire.