Trois têtes d’affiche de la contestation étudiante du printemps dernier étaient réunies le 30 octobre dernier à l’UdeM pour un débat intitulé « La culture universitaire, quelle culture? » Les trois leaders étudiants lors de la grève étudiante, Gabriel Nadeau-Dubois, Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin, ont pris part au débat mené dans le cadre du cours de sociologie SOL1150 – Culture et société.
« Ai-je rêvé ou le thème de l’accessibilité à des études supérieures n’a été considéré que sous l’angle économique? » C’est ce reproche formulé aux trois leaders étudiants du « printemps érable » par Pierre Foglia, dans sa chronique du 25 juin dans le journal La Presse, qui a piqué la curiosité du professeur au département de sociologie, Jacques Hamel. Dès lors, il n’a « pas pu s’empêcher » d’organiser un débat afin de cerner les grandes lignes de la culture universitaire. Les trois figures de proue du mouvement étudiant ont donc exposé chacun leur tour leur vision du monde universitaire devant un auditoire de plus de 200 personnes.
M.Hamel, citant la « vision purement économiste de l’université » montrée du doigt par M. Foglia, a résumé l’essentiel du propos incisif du chroniqueur à la foule. La première critique était décochée, et c’est l’ancien porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante, Gabriel Nadeau-Dubois qui y a répondu. « Je pense qu’il y a une partie de mouvement étudiant et syndical qui a contribué à focaliser le débat sur l’éducation sur des enjeux quantifiables, sans toujours se demander qu’est-ce qu’on ferait avec tout cet argent-là », a-t-il souligné.
En affirmant se ranger avec M. Foglia sur la dangereuse hégémonie de l’économie dans le discours sur les universités, il a aussi exposé une autre préoccupation importante. « Une baisse du niveau académique dans le système scolaire québécois » sévit présentement, selon Gabriel Nadeau-Dubois. Cela contribuerait à dénaturer la formation professionnelle offerte à l’université, au profit d’une formation strictement technique. Le « nœud du problème », cependant, pour M. Nadeau-Dubois demeure la tarification de l’éducation, qui entraîne une relation de client vis-à-vis l’université, et un appauvrissement général de la qualité de l’éducation. Son constat principal est de voir les défis actuels des universités comme un symptôme d’une société livrée, peut-être, à une finalité « utilitaire et économique ».
La présidente de Fédération étudiante universitaire du Québec, Martine Desjardins a pris le relais en soutenant qu’il fallait démystifier l’université aux yeux de la société. Elle a dénoncé« la vision folklorique » entretenue par plusieurs à l’égard de certains programmes (« fêtards » en génie mécanique, ou « rêveurs » en sociologie). « Comment peut-on allier une culture universitaire avec une culture populaire », pour expliquer à tous la nécessité d’avoir une communauté universitaire foisonnante? C’est la question majeure qu’elle a posée. « J’ai l’impression qu’on devrait ouvrir la culture universitaire et la partager, la faire comprendre aux autres », a-t-elle mentionné, pour aider à justifier la pertinence de l’université aux yeux de tous. Selon elle, le prosélytisme est dangereux. « Peut-être va-t-il falloir, comme population, qu’on imprègne de notre culture le réseau universitaire », a-t-elle soutenu. Elle a enfin postulé que pour « ouvrir les portes » de l’université, peut-être faudrait-il adopter un « niveau de langage commun » à tous.
Faire évoluer les mentalités
L’ancien président de la Fédération étudiant collégiale du Québec devenu député péquiste, Léo Bureau-Blouin a décliné sa conception de l’université en plusieurs facettes. « Il faut valoriser la culture à l’intérieur des murs [de l’université], mais aussi s’assurer qu’elle puisse rejaillir à l’extérieur », a-t-il affirmé depuis Québec par vidéoconférence.
Le jeune député a souligné le rôle d’ascenseur social de l’université, mis en danger par la hausse des frais de scolarité. L’université est un lieu qui permet de « faire évoluer les mentalités », mais qui mériterait d’être vulgarisé au reste de la société. La démocratisation du savoir, depuis la Révolution tranquille, aurait selon lui ébranlé la façon de transmettre l’enseignement et modifié, de façon incertaine, la qualité de l’éducation.
La commercialisation du savoir est un risque inquiétant, mais M. Bureau-Blouin semble moins craindre ce problème, affirmant que « chacun pourrait y trouver son compte ». Il a insisté sur sa confiance dans les leviers politiques, auxquels il participe, qui pourraient « permettre aux aspirations de notre génération de trouver des réponses au sein de l’appareil gouvernemental ».
Le besoin d’indépendance de l’université, confronté à celui de la faire apprivoiser par la population, est une problématique qui a contribué à nourrir le débat.
Les trois participants se sont accordés pour fonder beaucoup d’espoir sur le Sommet sur l’Enseignement supérieur promis par le Parti québécois. Les discussions qui s’y tiendront pourraient aiguillonner la réflexion sur le rôle social des universités. Le gouvernement péquiste en est à élaborer les grandes lignes de l’évènement. « Il faut donner la chance au coureur », a conclu avec le sourire, M. Nadeau-Dubois.