Le site internet du journal Le Devoir compile le nombre de textes qui ont été écrits au sujet du projet de charte qui tapisse les pages d’opinion de nos journaux depuis la fin de l’été. En date du 5 février, on en dénombre 579. C’est beaucoup de mots pour très peu d’avancements dans le débat. Il est navrant de constater qu’on répète les mêmes choses de part et d’autre semaine après semaine, qu’on soit incapable d’avoir des échanges dans lesquels on s’écoute et on se répond.
Bien entendu, les débats portant sur des questions fondamentales comme celle-ci divisent les gens. La stagnation des échanges à laquelle on assiste depuis des semaines n’est pourtant pas une fatalité.
Il y a un moment dans une discussion où tout a été dit, où l’on ne fait que lancer à notre adversaire la même boule de neige qu’on vient de recevoir. À mon avis, c’est parce qu’on se fait une idée erronée de la position de l’autre qu’on en arrive si souvent à des culs-de-sac dans les grands débats de société.
Par exemple, des gens soucieux de préserver l’identité québécoise, d’une menace réelle ou imaginaire, sont taxés de racisme et de xénophobie. Et ceux qui pensent que l’interdiction du port de signes religieux nuirait à l’intégration des immigrants sont mous, colonisés ou pire, trahissent leur peuple. On s’enferme dans notre interprétation du discours de l’autre, et voilà un 580e texte à propos de la charte qui s’ajoute aux autres!
Le rôle de nos universités ?
La même chose pourrait être dite à propos de la question du rôle que doit avoir l’université en cette ère d’anxiété budgétaire. Dans la dernière édition de Quartier Libre, mon collègue Dominique Cambron-Goulet déplorait avec raison le fait que, de plus en plus, la vocation des universités change pour s’adapter aux besoins des entreprises. Il reprenait l’argument selon lequel l’université doit fournir des connaissances qui feraient de nous des citoyens avisés ayant un esprit critique.
Malheureusement, dans ce débat, certains imaginent encore les universitaires comme des « pousseux » de crayons qui se cassent la tête à propos d’un obscur sujet de recherche qui n’intéresse qu’eux. De l’autre côté, ces mêmes universitaires, sur la défensive, crient à la marchandisation du savoir, à une université qui ne sert qu’à nourrir la bête gloutonne du marché.
Or, ne faudrait-il pas reconnaître qu’il existe plus d’une conception du rôle que doivent jouer les universités ? Elles ont toujours constitué un tremplin permettant d’acquérir des compétences en vue de décrocher un emploi, comme c’est le cas de ceux qui poursuivent des études en médecine ou en droit.
Il faudrait aussi garder en tête que les universités québécoises, jusqu’à nouvel ordre, permettent encore aux étudiants de choisir les disciplines qui les passionnent, qu’elles répondent ou non aux besoins du marché.
Aux États-Unis, les frais de scolarité prohibitifs empêchent les étudiants de faire les choix qu’ils veulent. Ce n’est pas le cas ici. Du moins, pas encore. On continuera de débattre dans les années à venir pour préserver l’université qu’on veut. Espérons que nous saurons ne pas diaboliser nos adversaires pour éviter une nouvelle bataille de boules de neige.