Internat en milieu privé : pomme de discorde en psychologie à l’UdeM

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Par Paul Fontaine
lundi 14 février 2022
Internat en milieu privé : pomme de discorde en psychologie à l'UdeM
La Faculté de médecine de l’Université de Montréal comptera 1?639 étudiant·e·s à la rentrée automnale de 2024.
La Faculté de médecine de l’Université de Montréal comptera 1?639 étudiant·e·s à la rentrée automnale de 2024.

Des doctorants et doctorantes en psychologie de l’Université de Montréal dénoncent le processus de sélection des internats. Dans une lettre transmise à la direction du Département de psychologie et que Quartier Libre a pu consulter, ils et elles expriment notamment leur déception de ne pas pouvoir effectuer leur stage final à temps plein dans un milieu privé.

Manque de cohérence, de transparence et d’objectivité : voilà les reproches adressés à la direction du Département de psychologie et au Comité des internats responsable de l’approbation des stages. Appuyée par environ 80 doctorants et doctorantes en psychologie sur les réseaux sociaux, la lettre de doléances, anonyme pour éviter toutes formes de représailles, souligne que les acceptations et les refus de stages ne respectent pas les critères qui leur ont été présentés à l’automne dernier.

« Après qu’on nous a dit qu’on pouvait faire notre internat à temps plein dans un milieu privé, l’Université [NDLR : En faisant référence au Comité des internats] a changé d’avis et a décidé qu’on ne pouvait que faire un temps partiel », indique la doctorante en psychologie Jade*. Preuve à l’appui de ce changement de discours : un document PowerPoint que le Département a présenté durant la séance d’information précise : « Nous préconisons que l’étudiant ne fasse pas l’entièreté de ses heures d’internat dans un milieu privé, bien que nous ne l’interdirons pas. »

Une communication chaotique

la doctorante en psychologie Audrey Francoeur pointe également du doigt l’irrégularité des communications officielles. « Ce changement-là n’a pas été dit à tous les étudiants, précise-t-elle. Il a été dit à certains d’entre eux à des moments différents. »

« C’est une information qui ne nous a jamais été communiquée, renchérit Jade. Moi, par exemple, je l’ai apprise un jour avant une date limite pour faire nos choix. Ça nous a donc contraints et piégés à aller au public. » Les deux étudiantes soulignent avoir reçu une vingtaine de témoignages de personnes ayant vécu des « incohérences ou des difficultés avec le Département ».

« On fonctionne de la même manière depuis les dernières années, a déclaré au Devoir la directrice du Département, Michelle McKerral. C’est de la gestion interne. C’est la première fois qu’on vit ça, et on a les mêmes critères depuis des années. »

Audrey souligne toutefois avoir été contactée par plusieurs personnes de cohortes plus anciennes pour des situations similaires. « L’année dernière, ça a été la même chose, explique-t-elle. Les règlements n’ont pas été dits, puis à la dernière minute, lorsque les personnes trouvaient un stage dans des milieux privés, elles recevaient ce message-là. L’impression que j’ai, c’est qu’il [NDLR : Le Département] ne dit jamais les règles du jeu. Puis au dernier moment, il met beaucoup de pression pour aller dans le milieu public. »

L’Association des étudiant(e)s des cycles supérieurs en psychologie de l’Université de Montréal rencontrait la direction du Département ce lundi pour faire la lumière sur les récents événements.

Un réseau public inhospitalier

Les conditions de travail dans le secteur public poussent plusieurs doctorants et doctorantes à opter pour un internat en milieu privé. « Il y a beaucoup de pression pour prendre des cas de plus, relève Audrey. Il y a aussi des règles “10 séances maximum par patient” et beaucoup de paperasse obligatoire à remplir après seulement deux séances. » La doctorante décrie donc un système qui ne prend pas suffisamment soin des personnes qui consultent. « Dans un milieu privé, tu peux prendre le temps qu’il faut pour bien procéder à l’évaluation », estime-t-elle.

Jade remet également en question le fait que les équipes de soins psychologiques soient dirigées par des gestionnaires qui ne sont pas eux-mêmes psychologues. « Quand il y a des gestionnaires qui viennent nous dire comment faire notre travail, un travail qu’on apprend à faire depuis les huit ou neuf dernières années, les conditions ne sont pas là pour qu’on puisse bien le faire », déplore-t-elle.

Les conditions salariales font également partie des préoccupations des doctorants et doctorantes. Selon le Secrétariat du Conseil du trésor, le taux horaire minimal en vigueur dans le secteur public est de 27,50 $ et passera à 28,33 $ le 1er avril prochain. « On s’entend, les personnes qui font ce métier ne le font pas pour l’argent, commente Audrey. Lorsque nous sortons des études, à 26 ou 27 ans, nous n’avons pas encore eu de salaire d’ici là et nous avons souvent des dettes. » Selon elle, un tel salaire ne reflète pas la réelle valeur du travail des psychologues.

Enfin, le Gouvernement du Québec offre depuis 2017 une bourse de 25 000 $ à tous les finissants et finissantes qui effectuent leur internat en milieu public. Ils et elles doivent toutefois s’engager à travailler pendant deux ans dans le secteur public. Cet engagement rebute plusieurs d’entre eux, dont Audrey, qui craint de devoir rester deux ans dans un milieu qui ne lui plaît pas ou qui ne lui permet pas d’exercer sa spécialisation.

*Prénom anonymisé