Fixer la fragilité

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Par Sophie Mangado
mardi 15 novembre 2011
Fixer la fragilité

L’Université de Montréal accueille du 28 novembre au 10 décembre l’exposition photo Ensemble dans nos différences : la déficience intellectuelle vue ici et ailleurs. L’Atelier Sud-Nord, organisateur de l’événement, veut sensibiliser la population à une réalité méconnue, ici comme à l’étranger. Rencontre avec Jonathan Boulet-Groulx, photographe engagé.

 

 

nicolas et sa mère Maria, du Honduras. n'ayant accès à aucune aide, ni sociale ni financière, nicolas doit rester seul de nombreuses heures par jour alors que sa mère travaille au marché. À son retour le soir, elle le lave, le nourrit doucement, puis passe les heures à lui parler et lui raconter sa journée. Crédit Jonathan Boulet-Groulx

 

 

 

Quartier Libre : Pourquoi avoir choisi ce sujet de la déficience intellectuelle ?

Jonathan Boulet-Groulx : Ce travail s’inscrit dans une démarche globale sur la fragilité, qui a quelque chose de profondément humain et de rassembleur puisqu’elle est universelle. En documentant les conditions de vie des personnes qui ont une déficience intellectuelle à travers le monde, j’ai voulu aborder l’ouverture à la différence et parler d’une réalité trop souvent cachée et méconnue. On n’a en général aucune idée des conditions de vie des personnes qui ont une déficience intellectuelle ! Regardez par exemple les zones de conflit. Les médias vont s’intéresser aux affrontements et aux enjeux politiques. S’ils abordent des sujets connexes, c’est la situation des femmes, des enfants… mais jamais des personnes déficientes au plan intellectuel. Les gens les plus oubliés sont ceux qui ne peuvent pas prendre la parole, à qui on ne la donne pas.

QL : Votre objectif est-il de donner cette parole pour contrer l’ignorance et les préjugés ?

JB-G : Mon but premier, c’est de raconter des histoires en rencontrant des gens. Pas de changer le monde ! Documenter la déficience intellectuelle ajoute à ce que j’appelle la mémoire collective, qui permet progressivement un changement de regard, et c’est de cette façon que des situations évoluent. L’inclusion de personnes marginalisées devient possible quand de plus en plus de gens sont conscientisés. La mémoire collective, alimentée par des sources d’horizons divers, sert à ça.

QL : Vous avez observé la déficience intellectuelle dans des pays de niveaux de vie différents. Quelles disparités vous ont marqué ?

JB-G: Quel que soit le pays, le problème de fond est le même : l’exclusion des personnes fragiles. Peu importe la forme que prend le rejet, ça reste une mise à l’écart. On crée de la marginalité en bannissant la différence, et ça, c’est partout pareil, même si des disparités criantes en termes d’infrastructures et de services existent d’un pays à un autre. Une société qui inclut la différence a pourtant tout à gagner, parce que la marginalité engendre toujours des coûts sociaux.

 

Sophie Mangado

 

Ensemble dans nos différences : la déficience intellectuelle vue ici et ailleurs : Vernissage le 23 novembre à 17 heures au 3200 Jean-Brillant (au Café Satellite – à confirmer), exposition du 28 novembre au 2 décembre au Pavillon Marie-Victorin, puis du 5 au 10 décembre au 2e étage du 3200 Jean-Brillant.

ouvrir l’UdeM à d’autres réalités

L’Atelier Sud-Nord, branche de l’Action humanitaire et commu – nau taire (AHC) de l’Université de Montréal, vise à promouvoir la solidarité et la coopération internationales auprès de la population étudiante. Deux de ses bénévoles expliquent à Quartier Libre le choix d’exposer le travail de Jonathan Boulet-Groulx. «Les photographies montrent le quotidien, la vie, ce sont des gens comme toi et moi. Que l’on vive avec une déficience intellectuelle ou pas, au Honduras ou au Québec, on appartient à une même humanité. Quand nous avons vu le travail du photographe, nous savions que nous voulions en faire quelque chose dans le cadre des activités de l’Atelier Sud-Nord », explique Karine Salomon, étudiante en anthropologie, à l’origine du projet.

«Cet événement, c’est aussi un prétexte pour aborder des questions internationales, sensibiliser les étudiants en amenant sur le campus un regard sur des réalités souvent oubliées, ce qui rejoint directement notre mandat », ajoute sa collègue Juliette Radepont. À travers une vingtaine d’images accompagnées de textes, l’exposition croise les conditions de vie de personnes vivant avec une déficience intellectuelle dans quatre pays : Haïti, le Honduras, la République dominicaine et le Canada.