Faire la paix avec Wikipédia

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Par Michel Hersir
vendredi 21 avril 2017
Faire la paix avec Wikipédia
L'étudiante à la maîtrise en littératures de langue française Caroline Villemeure qui a collaboré à la conception des ateliers avec la bibliothécaire Catherine Bernier. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.
L'étudiante à la maîtrise en littératures de langue française Caroline Villemeure qui a collaboré à la conception des ateliers avec la bibliothécaire Catherine Bernier. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.
L’encyclopédie en ligne Wikipédia est souvent le premier lien qui apparaît lors d’une recherche en ligne. Certains l’aiment, d’autres moins, mais pratiquement tout le monde l’utilise. C’est dans cette optique que deux ateliers ont été réalisés à l’UdeM, les 28 mars et 4 avril derniers.
« Les étudiants en littérature gagnent à utiliser plus souvent Wikipédia, parce que c’est une plateforme qui permet de faire exister les publications et le savoir. »
Caroline Villemure, coconceptrice de l’atelier et étudiante à la maîtrise en littératures de langue française.

Les deux ateliers, l’un théorique et l’autre pratique, étaient organisés conjointement par la Bibliothèque des lettres et sciences humaines (BLSH) et le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) de l’UdeM. Ils visaient à permettre aux participants d’apprivoiser Wikipédia, une encyclopédie numérique collaborative où les gens peuvent autant lire les articles que les écrire ou les éditer. L’atelier pratique était axé sur la littérature québécoise. « L’une des tâches du CRILQ de l’UdeM est de développer la littérature québécoise sur Wikipédia, explique la coconceptrice des ateliers et étudiante à la maîtrise en littératures de langue française, Caroline Villemure. En ce moment, elle est inexistante. »

Sur les 15 651 articles concernant le Québec, tous sujets confondus, 17 sont catégorisés « articles de qualité », dont un seul qui soit associé à la littérature, celui sur Émile Nelligan. « Les étudiants en littérature gagnent à utiliser plus souvent Wikipédia, parce que c’est une plateforme qui permet de faire exister les publications et le savoir », estime Caroline. Par exemple, une page sur un auteur connu pourrait avoir comme références des articles ou des textes scientifiques rédigés par des étudiants.

Si les étudiants peuvent retirer des bénéfices de Wikipédia, c’est aussi le cas des bibliothèques. « Dans les bibliothèques, on fait déjà des formations à la recherche et au jugement critique de l’information qu’on trouve sur internet, indique la bibliothécaire de la BLSH Catherine Bernier. Et puis, Wikipédia, c’est une école merveilleuse à ce niveau parce que l’information vient de partout et change constamment. » La formation avait donc un double objectif, soit d’augmenter la qualité de la présence de la littérature québécoise sur Wikipédia et de s’intégrer à une formation en bibliothèque.

Un outil à apprivoiser

Les deux animatrices de l’atelier insistent sur un point, il ne sera jamais adéquat de citer Wikipédia dans des travaux étudiants. « Ce n’est pas le but de Wikipédia de toute façon, insiste Mme Bernier. La philosophie même de Wikipédia est de tout remettre en question, donc, même si tu cites un excellent article un jour, il est possible que quelqu’un aille le modifier le lendemain. »

Pour l’étudiante à la maîtrise en littératures de langue française Emilie Drouin, qui a participé au premier atelier, Wikipédia reste un outil de surface dans la documentation. « Dans mes études, j’utilise Wikipédia pour avoir un survol rapide, par exemple si je ne connais pas un auteur ou un concept, dit-elle. L’atelier était intéressant parce qu’il me permettait d’approfondir mes connaissances sur Wikipédia. Ça m’a donné le goût de me remettre à contribuer après plusieurs années d’inactivité. »

De son côté, le professeur au Département des littératures de langue française Benoît Melançon donne un séminaire à tous les étudiants au doctorat et les fait travailler sur Wikipédia. « C’est un très bon exercice de vulgarisation, témoigne-t-il. Les étudiants au doctorat ont déjà fait un mémoire de maîtrise, ils savent comment faire de l’écriture savante en études littéraires, mais, généralement, ils sont beaucoup moins habiles dans l’écriture de vulgarisation. »

Des problèmes d’autorité

M. Melançon croit que c’est parce que la question de l’autorité n’est pas résolue si une majorité de la population se méfie de Wikipédia. « L’autorité traditionnelle, c’est facile, c’est la signature, affirme-t-il. Telle personne a signé tel livre, tel article, cette personne est une spécialiste, elle a donc une autorité et l’on peut s’y fier. Sur Wikipédia, on ne sait pas qui signe l’article, on ne sait pas d’où vient l’autorité. Alors on s’en méfie. »

Le professeur ajoute qu’étant donné le nombre de personnes qui utilisent Wikipédia, on ne peut simplement rejeter ce site du revers de la main. Comme les gens vont y aller, que la source soit crédible ou non, il insiste sur l’importance de consulter la plateforme, d’y ajouter des articles et surtout de bien les rédiger. « De toute façon, dans un cadre universitaire, on ne peut se contenter d’une seule source, que ce soit Wikipédia ou une autre », dit-il. Le débat sur l’utilisation de Wikipédia n’est pas près de se terminer. L’encyclopédie numérique atteindra bientôt les 42 millions de pages.