Volume 18

Exhibition de tétons

L’équipe de Quartier Libre préparait un article sur la halte-garderie de l’UdeM, le Baluchon (p. 4-5), et mon radar «bébé» était en marche. Je scrutais les poupons dans la rue : les rieurs, les grognons, les endormis, les «emmitouflés sous cinq couches de duvet». C’est alors qu’une histoire relatée dernièrement dans les médias a attiré mon attention. Shannon Smith, une mère de famille, s’est faite élégamment mettre à la porte d’une boutique de vêtements parce qu’elle y allaitait son dernier- né. La scène, racontée sur son blogue, a fait boule de neige sur les réseaux sociaux et, quelques jours plus tard, une centaine de mamans solidaires se sont rendues dans le même magasin pour allaiter en choeur.

Dure vie pour les jeunes mamans: après avoir complexé celles qui n’allaitaient pas (veulent elles donc tuer leur bébé avec ce lait en poudre chimique ?), la société intimiderait maintenant celles qui allaitent dans des lieux publics. «Cette histoire est un cas isolé, c’est un peu l’exception qui confirme la règle selon laquelle on peut allaiter partout à Montréal », me dit Marie Montpetit, qui cumule les fonctions de maman et d’étudiante.

Et donner le sein au sein du campus, justement ? Une pratique peu répandue, selon Anne Lessard, directrice du Baluchon : « Certaines mamans viennent ici pour allaiter entre deux cours, mais généralement, elles nous laissent des biberons.» À l’Université Laval, des étudiantes en nutrition ont réussi à faire ouvrir une petite salle pour les mamans qui désirent extraire leur lait. Deux fauteuils, un lavabo, un frigo et une entrée sécurisée, c’est nettement plus confortable que les toilettes publiques !

À l’UdeM, certains départements ou facultés donnent accès à des locaux non utilisés pour que les mères puissent s’isoler. Il n’y a aucun règlement interne qui interdit d’allaiter en public. «L’UdeM n’a pas de position officielle sur le sujet, car nous n’avons jamais rencontré de situation problématique », admet Sophie Langlois, du bureau des communications de l’UdeM. Pas de problème, jusqu’au jour où une autre Shannon Smith viendra troubler l’ordre public ?

Pour l’heure, une espèce pullule bien plus rapidement sur le campus que les parentsétudiants. Ce spécimen est souvent vêtu d’un grand manteau noir à la capuche poilue, siglé Canada Goose. Il parle votre langue, mais avec un accent moins chantant. Il se moque parfois de vos expressions langagières. Il vous a peut-être déjà demandé de quel côté du mont Royal on peut voir le plus de caribous. Il trouve que le cheddar n’a pas le droit de rentrer dans la définition stricte du mot fromage, mais il adore vos poutines. Ce spécimen, c’est le maudit Français. Si vous craignez l’invasion, dîtes à votre gouvernement d’arrêter d’aller en France pour clamer dans tous les salons de l’emploi que le Québec est ben hot (p. 12- 13). Le maudit Français est de nature sceptique, mais parfois il croit ce qu’on lui dit.

Si les Franchouillards viennent squatter le Plateau dans des proportions exponentielles, les boys bands sont de moins en moins nombreux à squatter les plateaux de télévision (p. 19). Depuis quelques années, la musique pop leur préfère les artistes solo. Mais n’enterrez pas trop vite ces groupes de garçons à la plastique parfaite. La relève arrive d’Asie et les icônes des années 1990 continuent à faire frémir les foules, si l’on en croit le volume d’ultrasons hystériques du public féminin à l’occasion du dernier spectacle des Backstreet Boys au Centre Bell.

Des adolescentes qui hurlent quand les boys bands s’exhibent ; une mère qui s’exhibe quand son bébé hurle; la boucle est bouclée.

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