Dans le but d’améliorer l’accessibilité du cinéma d’auteur, le cinéma Excentris, en partenariat avec l’Office National du film du Canada (ONF), a mis en ligne de nombreuses œuvres québécoises, canadiennes et internationales peu connues et peu diffusées. Depuis le 5 février, le grand public peut visionner ces films de façon payante et légale sur le web.
«Pour les cinéphiles vivant à l’extérieur de Montréal, ceci est une fenêtre ouverte sur la programmation de l’Excentris, qui offre la chance de voir chez soi des films triés sur le volet », explique la directrice artistique de l’Excentris, Caroline Masse.
Durant cette première année, une dizaine de films diffusés à l’écran seront aussi offerts en ligne, en plus d’une soixantaine de longs métrages en catalogue. Plusieurs genres y sont présentés, du film documentaire au long métrage de fiction, en passant par le film d’animation ou encore le film pour enfant. Vic et Flo ont vu un ours, Conte du Mile-End et Le Horse Palace font actuellement partie des films en ligne sur les plateformes des sites web de l’ONF et de l’Excentris. Il en coûte 4,99 $ pour visionner les films offerts en catalogue et 9,99 $ pour ceux étant à l’affiche en salle durant la même période.
L’étudiante en études cinématographiques Marie-Pier Benoit salue l’initiative. « Pour les gens passionnés de films qui ne vivent pas à Montréal, comme moi, cela permet de connaître des films et d’y avoir accès plus facilement, croit-elle. S’ils aiment leur expérience, ils pourront alors la vivre plus intensément à l’Excentris, dans une belle salle de cinéma. »
Étudiante dans le même programme, Rachel Tremblay Saint-Yves qualifie quant à elle ce projet d’ambitieux. « J’ai des inquiétudes quant à l’achalandage au cinéma, ce dernier étant en baisse depuis déjà quelques années, affirme-t-elle. Je pense qu’un cinéma indépendant comme l’Excentris a tout intérêt à promouvoir l’importance du visionnement des films en salle !»
Un nouveau modèle de diffusion
Le professeur en études cinématographiques à l’UdeM André Habib constate qu’avec l’avènement du numérique et les installations audiovisuelles dans les foyers, les habitudes des cinéphiles ont profondément changé. Il estime qu’il faut pourtant relativiser cette affirmation. « Certes, les lieux de consommation de films se sont déplacés, confirme-t-il. Mais dans ce contexte de désertion généralisée des salles de cinéma, cette initiative donnera peut-être aux cinéphiles le goût de voir davantage de films d’auteur en salle puisqu’ils pourront accéder à des films qui, dans la conjoncture actuelle de distribution, sont invisibles. »
Donner la possibilité au grand public de visionner du cinéma d’auteur dans le confort de leur foyer ouvre la voie à un nouveau modèle de diffusion susceptible de changer la donne en termes de fréquentation des salles de cinéma, selon M. Habib. « Cela peut jouer un rôle bénéfique en encourageant une culture cinéphilique plus large, en permettant de faire découvrir des filmographies de cinéastes et en rendant plus attrayante la sortie en film de ces mêmes cinéastes », juge-t-il.
L’étudiante en études cinématographiques Béatriz Rose ne partage pas cet avis. « C’est une bonne initiative, et j’en profiterai certainement, avance-t-elle. Par contre, cela ne m’encouragera pas forcément à fréquenter les salles de cinéma, mais plutôt à rester confortablement assise chez moi. »
En mai 2013, un groupe de travail sur les enjeux du cinéma québécois (GTEC) a été mis sur pied à la demande du ministre québécois de la Culture et des Communications, Maka Kotto. Sa première préoccupation a été de renforcer la relation entre le cinéma québécois et son public. En déposant lui aussi un mémoire auprès du GTEC, le cinéma Excentris en a profité pour souligner son rôle central dans la diffusion d’œuvres cinématographiques à vocation culturelle. « Nos propositions visaient à faire connaître l’Excentris comme un lieu de cinéma culturel, mais notre demande n’a pas été prise en compte par le GTEC », explique le chargé de communication de l’Excentris, Davis Lamarre.
Au Québec, d’autres initiatives de ce type existent. Le site internet elephant.canoe.ca s’est doté d’une mission qui consiste à restaurer et à numériser l’ensemble des longs métrages québécois afin de les mettre sur support numérique. Une fois restaurés, ces films sont déposés sur la plateforme de télévision numérique illico sur demande de Videotron.