Déjà utilisé dans plus de 3 500 institutions, le logiciel Turnitin va faire son entrée à l’UdeM. Il soumet à la vérification le devoir de l’étudiant à l’aide de milliards de pages internet, de millions de travaux étudiants ainsi que de nombreuses bases de données de bibliothèques. Pourtant, même si le plagiat est vérifié, il reste un problème incontrôlable : la tricherie.
À ce jour, il n’existe pas de logiciel formellement disponible pour tous les enseignants à l’UdeM. C’est de la responsabilité de chaque enseignant, par ses propres moyens, de comparer les travaux susceptibles de plagiat. Le coordonnateur aux affaires académiques de premier cycle de la Fédération des associations étudiantes de l’UdeM (FAÉCUM), Yan Bertrand, convient que le programme Turnitin sera introduit de manière graduelle. « Ce projet touche une petite partie des étudiants à l’Université pour cette année. Nous devrons attendre l’an prochain afin de savoir si l’établissement ira de l’avant avec l’utilisation du logiciel pour l’ensemble des étudiants à l’UdeM», soutient-il.
M. Bertrand explique que les travaux numérisés seront analysés par le logiciel. En fonction du taux de similarité (par exemple, 12 mots consécutifs identiques entre deux documents), le professeur déterminera l’ensemble des similitudes entre le travail de l’étudiant et l’autre document. Ensuite, l’enseignant décidera si ces similitudes constituent du plagiat ou non.
Un autre défi
Malgré l’arrivée du nouveau logiciel, il y a un domaine contre lequel l’Université s’avère impuissante : la tricherie. L’étudiante à HEC Andréanne* n’est plus surprise par la quantité d’étudiants qui parlent fièrement de leurs exploits. Elle décrit la tricherie comme étant un phénomène assez récurrent et constant durant ses années à l’université. « Beaucoup m’en ont parlé. Sinon, je ne pense pas que je serais même au courant qu’il y a de la tricherie ici », déclare l’étudiante.
Les étudiants de 2013 ne manquent pas de techniques pour tricher. « Souvent, les surveillants ne bougent pas et restent en avant, raconte Andréanne. Avec la technologie d’aujourd’hui, les gens gardent leur téléphone intelligent sur lequel ils peuvent avoir des notes de cours, chercher sur internet ou demander à un ami de leur texter des réponses. » L’éthique académique de ces étudiants soulève une question importante sur la potentialité de récidive à l’université, mais aussi au cours de leur carrière professionnelle.
Le docteur en justice criminelle de l’Université de l’Indiana Phillip C. H. Shon s’intéresse aux différentes techniques et méthodes auxquelles les étudiants universitaires ont recours pour tricher. Dans son article « How College Students Cheat On In-Class Examinations : Creativity, Strain, and Techniques of Innovation », l’auteur démontre que la tricherie demande un certain investissement de son temps, de son énergie et de ses ressources. Il explique que pour un examen standard de 50 minutes, l’étudiant peut passer trois à quatre fois ce temps pour planifier, rédiger et se préparer à tricher.
Réglé à l’interne
Il est cependant complexe de mettre un étudiant en cause pour tricherie ou plagiat. Si la déclaration est faite auprès de sa faculté, il faut pouvoir l’accuser avec des preuves. Si l’élève est reconnu coupable, différentes sanctions sont possibles, allant de la reprise du travail en question au renvoi de l’université, ou même à l’exclusion totale et le retrait du diplôme ou du grade.
Le système contient quelques failles. Les statistiques sur la tricherie et le plagiat sont difficiles à obtenir, car il n’y a pas un bureau centralisé qui gère la tricherie et le plagiat à l’UdeM. Le conseiller au Bureau d’évaluation de l’enseignement et des programmes d’é- tudes (BEEP) Frédéric Lapointe en donne les raisons. « Lorsqu’un étudiant est attrapé en train de tricher, l’enseignant n’ira pas remplir un formulaire, assure-t-il. Il se peut très bien que l’enseignant s’arrange avec l’étudiant à l’interne dans son propre département. Ceci ne laisse pas de traces; c’est donc un phénomène très difficile à documenter.»
M. Bertrand reconnait que cette dissonance entre les procédures et la façon d’agir des enseignants est un problème de manque d’informations. Selon l’officier de la FAÉCUM, certains enseignants ne connaissent pas nécessairement le Règlement disciplinaire sur le plagiat ou la fraude concernant les étudiants. Ils donnent donc parfois des sanctions sans même les déclarer à la Faculté. Un comporte- ment qui va à l’encontre de l’équité des jugements, selon M. Bertrand.
* Le nom de l’étudiante a été changé pour conserver l’anonymat.