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Spirit, la femelle faucon pèlerin, n’a plus accès à son nid sur la tour du pavillon Roger-Gaudry. (Crédit photo : Ève Bélisle)

Des faucons inquiets

Spirit, la femelle faucon pèlerin, n’a plus accès à son nid sur la tour du pavillon Roger-Gaudry. (Crédit photo : Ève Bélisle)

Roger et Spirit, le couple de faucons pèlerins de l’UdeM, seront-ils capables de s’accoupler au printemps dans leur nouveau nid? Les deux oiseaux de proies nichent depuis 2007 au 23e étage de la tour du pavillon Roger-Gaudry. Mais comme les rénovations de la tour auront cours jusqu’au printemps, ils seront délocalisés. Ève Bélisle, la responsable des faucons à l’UdeM, collabore avec la direction de l’Université pour accommoder raisonnablement les deux oiseaux. Fait notable, elle prend aussi la défense de faucons qui nichent sur… l’échangeur Turcot.

La tour du pavillon Roger-Gaudry est enrobée d’échafaudages de construction depuis novembre. Selon Flavie Côté, conseillère principale des relations avec les médias de l’UdeM, elle n’a pas été rénovée depuis sa construction en 1943. Les travaux extérieurs coûtent 1,4 million de dollars et se termineront à la fin mars 2012. Ils servent entre autres à remplacer la toiture de cuivre, à refaire la maçonnerie et à désamianter les murs.

Flavie Côté explique que l’Université a dû gérer la cohabitation avec les faucons. C’est pourquoi Ève Bélisle, la responsable des faucons pèlerins de l’UdeM, a été contactée avant le début des travaux. Mme Bélisle est aussi attachée de recherche à l’École Polytechnique. À titre de passe-temps, elle suit les oiseaux depuis 2007.

Elle a installé des caméras Web dans leur nid et diffuse, en direct sur Internet [ornithologie.ca/ faucons], la vie de couple des deux faucons baptisés Roger et Spirit. Les caméras ne fonctionnent pas pendant les travaux.

 

Ève Bélisle, responsable des faucons pèlerins de l’UdeM (Crédit photo : gracieuseté d'Ève Bélisle)

Les travaux provoquent du stress chez les deux oiseaux, et un nid temporaire n’est pas un refuge idéal pour les faucons. «Ça compromet la reproduction des faucons, reconnaît Ève Bélisle. C’est épouvantable. Ils étaient habitués à se percher sur leur nid. Ils sont habitués à passer l’hiver à Montréal.»

Nichoirs temporaires

Pour éviter le départ permanent des faucons, Ève Bélisle a recommandé l’installation de deux nichoirs temporaires au 12e étage. «C’est bas, mais nous n’avions pas vraiment le choix», précise-t-elle. Les faucons préfèrent nicher le plus haut possible dans une structure pour se protéger des prédateurs.

Installer un nichoir est simple, il faut placer un bac rempli de gravier sur une corniche. Les faucons cherchent le gravier pour déposer leurs oeufs. Un faucon ne construit pas de nid, il occupe un endroit déjà propice à la ponte. «On met aussi un perchoir et du gazon synthétique », dit-elle.

L’objectif, c’est que les faucons s’habituent à un autre nid avant le printemps. «La fin du mois de février, c’est le prime time de la nidification », explique-t-elle.

Pour l’instant, les deux faucons n’ont pas accepté le déménagement proposé. Il ne reste plus qu’à attendre. «J’espère qu’ils vont occuper un des nids temporaires», s’inquiète Ève Bélisle.

Problème de cohabitation

En plus de Roger et Spirit, Ève Bélisle défend un autre couple de faucons à Montréal. Le 25 novembre dernier, elle a écrit une lettre à la députée adéquiste Sylvie Roy. Dans un reportage diffusé sur les ondes de TVA en novembre, Mme Roy déplorait la décision du ministère des Transports du Québec d’avoir budgété 50000 $ pour surveiller un nid de faucons qui se trouvait en plein cœur des travaux de réfection de l’échangeur Turcot. Dans le même reportage, Mme Roy proposait de déplacer les faucons afin d’économiser sur les coûts de surveillance.

Ève Bélisle s’est sentie interpellée : c’est que les deux faucons de l’échangeur Turcot sont les deux premiers rejetons de Roger et Spirit. Ils se nomment Polly et Algo [voir encadré]. Dans une lettre adressée à Mme Roy – affichée sur fauconsudem.blogspot.com –, Ève Bélisle répond qu’«il existe des méthodes pour les inciter à s’installer ailleurs plus ou moins efficaces, mais qui sont beaucoup plus coûteuses que d’exercer une surveillance ». Mme Roy ne lui a pas répondu et n’a pas rappelé Quartier Libre.

Le biologiste Pierre Molina, vice-président Environnement chez Services environnementaux Faucons, partage le point de vue d’Ève Bélisle.

C’est lui qui a coordonné la surveillance demandée par le ministère des Transports du Québec. «Un biologiste a noté les activités de nidification des deux faucons à l’aide de jumelles et d’un télescope», dit-il. La surveillance s’est échelonnée de mai à août 2011 et a coûté 20000 $ à ce jour.

«Cela aurait été plus cher de “déplacer” le nid», confirme M. Molina, qui a obtenu son baccalauréat et sa maîtrise en sciences biologiques à l’UdeM. Il aurait fallu installer un mât, déplacer les oeufs, en plus de la surveillance… à ce rythme, les coûts montent vite.

La réglementation provinciale est claire : quand un couple de faucons s’installe dans un nid, il est obligatoire de le protéger. La question qui reste toutefois en suspens, c’est la manière.

Les balises pour établir la zone de protection autour d’un nid de faucons en milieu urbain ne sont pas réglementées. M.Molina explique qu’en milieu forestier, il est d’usage de protéger un rayon de 250 mètres autour d’un nid de faucons. Une norme difficilement applicable en milieu urbain.

Trouver les balises justes

La problématique est complexe, car chaque situation est différente, et chaque couple de faucons réagit différemment. Il est toutefois possible de dégager des tendances. «Les faucons “urbains” ont une haute capacité à s’adapter aux humains», explique Pierre Molina. Il qualifie «d’urbains» les faucons qui logent dans des structures comme les ponts, les viaducs ou les corniches d’un immeuble. Il a été surpris de constater que sur l’échangeur Turcot, les faucons restaient dans le nid et ne semblaient pas dérangés par le bruit d’un marteau-piqueur à seulement 10 mètres du nid. «L’oiseau tolère donc des travailleurs très proches», explique-t-il.

Algo et Polly ont permis à M. Molina de recueillir des données difficilement accessibles. «En milieu urbain, ce qu’on essaye de faire, c’est d’établir des balises claires. Depuis 2004, nous raffinons les protocoles d’intervention en milieu humain». Comme toute recherche scientifique, il faut du temps. « Avons-nous trouvé la solution ? La réponse est non», affirme M. Molina. Mais nous allons trouver la solution»

Inceste à Turcot ?

Surprise : le couple de faucons de l’échangeur Turcot, Algo et Polly, sont frère et soeur. Peuton parler d’inceste ? Le terme fait sourire Pierre Molina, biologiste et vice-président chez Services environnementaux Faucons. «Chez les espèces rares, ça arrive plus fréquemment », répond-il. Au Québec, le faucon pèlerin est considéré comme une espèce vulnérable.

La situation illustre selon lui le manque de biodiversité chez les faucons pèlerins. «La population a diminué à partir des années 1950 à cause du DDT », explique M. Molina. Le DDT est le premier pesticide moderne. Il a commencé à être interdit une vingtaine d’années après son introduction en raison des impacts sur la santé. Depuis ce temps, la population de faucons se porte de mieux en mieux. «Un peu partout au Canada, on élève des jeunes en captivité en leur donnant de la nourriture non contaminée et on les relâche ensuite dans la nature, précise-t-il. C’est une stratégie couronnée de succès.»

L’extérieur de la tour du pavillon Roger-Gaudry sera en rénovation jusqu’en mars 2012. Pas de chance, les faucons commencent leur nidification en février… (Crédit photo : Ève Bélisle)

 

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