Les compressions budgétaires de 10 millions de dollars prévues au Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS) ébranlent la communauté des futurs chercheurs de l’UdeM. Ils craignent de ne pas pouvoir accéder à leur bourse de formation, et certains se demandent si leur avenir en recherche se trouve au Québec.
L’annonce d’une réduction de 13 % du budget de la FRQS en décembre dernier a créé une onde de choc dans le milieu de la recherche en santé au Québec. Le FRQS est un organisme subventionnaire à but non lucratif qui relève du ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche, de la Science et des Technologies, et qui regroupe 18 centres de recherche au Québec.
Le directeur du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’UdeM (CHUM), Jacques Turgeon, pense que ces compressions auront des impacts directs sur les centaines d’étudiants en recherche. « Tu as beau aimer faire de la recherche, ça prend un salaire et des bourses ! » s’exclame M. Turgeon, qui ajoute que les coupes pourraient réduire de 85 % les bourses de formation destinées aux étudiants.
Des étudiants inquiets
«Ma plus grande crainte, c’est que le monde arrête d’aller en recherche, déplore l’étudiante au doctorat en sciences biomédicales à l’UdeM Laïla-Aïcha Hanafi. Si cela devient très difficile d’être payé et que les chercheurs n’ont plus d’argent, ce ne sera plus du tout encourageant. » La jeune femme, également chercheuse au CHUM, bénéficie actuellement d’une bourse du FRQS qui paie son salaire, mais, en raison des compressions, elle ne sait toujours pas si cette subvention sera renouvelée cette année.
Ces craintes sont aussi partagées par la doctorante de l’UdeM Katia Caceres, qui travaille sur le traitement du cancer ovarien au centre de recherche du CHUM. «Ces coupes vont pénaliser nos recherches, notre formation, mais aussi les moyens qu’on a pour travailler», lance Mme Caceres, visiblement inquiète. Au-delà de l’accès à la bourse de formation, c’est aussi la structure des plateformes de travail et le soutien des réseaux de recherche qui sont en jeu. «En tant qu’étudiant, c’est impossible de travailler seul. La collaboration est très importante, lance-t-elle. Si on engage moins d’étudiants dans les centres de recherche, il y aura aussi moins d’échanges.»
S’exiler à l’étranger ?
Toutes deux s’entendent pour dire que ces compressions risquent de mener à l’exode des jeunes chercheurs vers les États-Unis et l’Europe. «Ce sera plus facile pour un étudiant parti à l’étranger pour un post-doctorat d’y rester si aucun poste ne l ’attend au Québec, avance Laïla-Aïcha. Au final, nous perdrons les chercheurs formés ici.» De son côté, Katia entend poursuivre sa formation à l’extérieur du Canada.«Si je veux devenir chercheuse, je vais avoir besoin de subventions, soutient-elle. Il n’y a pas d’avenir pour moi ici.»
Ce scénario d’exode des cerveaux inquiète particulièrement la directrice du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Sylvie Belleville, qui travaille avec près de 250 jeunes chercheurs de l’UdeM. « S’engager en recherche est un investissement exigeant qui demande des sacrifices, alors il faut avoir l’assurance que les salaires seront bons», souligne avec vigueur Mme Belleville. Elle estime que les perspectives pour les jeunes chercheurs ne sont pas très «réjouissantes» actuellement. «On ne leur dit certainement pas: “allez en recherche, c’est une voie d’avenir” », s’indigne-t-elle.
Ce risque de fuite des cerveaux est difficile à mesurer selon M. Turgeon. Au cours des dernières années, il soutient que le Québec constituait, avec les investissements en recherche, une terre d’accueil intéressante pour les chercheurs. «Nous étions plutôt dans un mode “attraction” que dans un mode “pertes”, mais cela demeure très fragile, renchérit-il. Si nous coupons les salaires des chercheurs, ils ne viendront plus.»
Un avenir en suspens
Les jeunes chercheurs doivent donc composer avec une situation actuelle « très difficile », avance M. Turgeon. « Si j’étais étudiant au doctorat, je me dirais non seulement que je risque de manquer de bourses pour finir mes études, mais je m’inquiéterais aussi que le marché de l’emploi soit en train de se réduire », souligne-t-il en faisant allusion à la fermeture de plusieurs compagnies pharmaceutiques au cours des trois dernières années.
Au début du mois de février, la première ministre, Pauline Marois, a annoncé son intention de dégager des sommes « modestes » pour amoindrir l’impact des compressions budgétaires dans le secteur de la recherche. Ce premier pas est accueilli favorablement par les chercheurs, qui espèrent toutefois que les compressions soient complètement annulées. C’est en avril, au début de la nouvelle année fiscale, que les dés seront officiellement jetés. D’ici là, le milieu de la recherche en santé attend la nouvelle politique nationale sur la recherche et l’innovation prévue pour le printemps.