Des bulles pour un Plateau effervescent

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Par Antoine Quinty-Falardeau
mercredi 15 janvier 2014
Des bulles pour un Plateau effervescent
«Ce qui se manifeste dans les bulles, c’est l’identité d’un quartier à la fois marginal et en vogue.» – Yazid Belkhir, concepteur du projet Idée-Ô-Rama (crédit photo : Adil Boukind)
«Ce qui se manifeste dans les bulles, c’est l’identité d’un quartier à la fois marginal et en vogue.» – Yazid Belkhir, concepteur du projet Idée-Ô-Rama (crédit photo : Adil Boukind)

Stade olympique, croix du Mont-Royal, escaliers en colimaçon, cri de rage du pelleteur ou langue collée sur un poteau : ces images ornent actuellement le paysage de l’avenue du Mont- Royal. Jusqu’au début du mois de mars prochain, plus de 70 bulles lumineuses accompagneront les marcheurs dans leurs allées et venues.

Créer un dialogue entre le quartier et ses passants qui en sont l’âme ; voilà l’idée qui a mené les deux concepteurs du projet Idée-Ô-Rama, Estelle Jugant et l’ancien technicien de l’École Polytechnique de Montréal, Yazid Belkhir, à transformer l’artère principale du Plateau-Mont-Royal en une longue bande dessinée.

«On voulait créer un projet qui pourrait attirer et représenter un maximum de personnes, rassembler tout le monde, dit Yazid Belkhir. Ce qui se manifeste dans les bulles, c’est l’identité d’un quartier à la fois marginal et en vogue.»

Les deux créateurs, cofondateurs de la firme montréalaise Turn Me On Design – qui se spécialise dans la création de luminaires –, sont les gagnants du concours de mise en lumière lancé en 2012 par l’Avenue du Mont-Royal. Tous deux connaissent bien le Plateau pour y avoir habité durant plusieurs années.

Un thème de base leur a été imposé: l’hiver montréalais. «Pour le reste, on a eu carte blanche, assure Yazid Belkhir. Et créer un projet de ce calibre-là, de A à Z, a été une expérience inestimable, dans laquelle on a investi un nombre incalculable d’heures!»

L’idée de représenter cette discussion urbaine au moyen des phylactères est d’autant plus intéressante que ceux-ci sont devenus le véritable symbole de la communication électronique.

«Aujourd’hui, on les voit en permanence à travers les textos et les clavardages », remarque Estelle Jugant.

Estelle Jugant et Yazid Belkhir n’ont cependant pas travaillé seuls. Deux artistes se sont chargés d’illustrer les phylactères : un graffiteur influencé par la BD japonaise, Astro, et un designer graphique au style plus épuré, Jean-François Poliquin. « Astro est un ami, et Jean- François nous a été proposé par l’Avenue pour qu’on ait deux styles contrastés», explique Estelle Jugant.

Un projet qui fait réagir

«J’aime l’audace, l’originalité du projet, lance l’étudiante à la maîtrise en droit civil à l’UdeM Charlotte Deslauriers-Goulet.

Disons qu’on ne verrait pas ça dans Westmount ! Malgré sa gentrification, le Plateau reste largement fréquenté par des étudiants, par des artistes, et je suis contente qu’on ait osé opter pour un projet si créatif.»

Cela dit, la jeune juriste a mis du temps avant de remarquer que quelque chose avait changé sur l’avenue. C’est le soir, alors que les phylactères s’illuminent et changent constamment de couleurs, qu’ils lui sont apparus pour la première fois.

«De jour, je suis souvent passée sous eux sans les voir», dit-elle.

Les étudiants de l’UdeM rencontrés par Quartier Libre s’entendent d’ailleurs sur un aspect : les bulles sont placées trop haut pour réellement capter l’attention. «Avec ma vue de taupe, je n’arrive pas à voir les dessins à l’intérieur !», confie l’étudiante au certificat en journalisme à l’UdeM Albane Daudier. Les deux créateurs sont conscients du problème, mais expliquent avoir dû se plier à une exigence municipale : par souci de sécurité routière, la Ville n’a pas permis l’installation de bulles sous une hauteur de 16 pieds.

Or, comme il est prévu que les phylactères reviendront sur l’avenue pour deux autres hivers, des améliorations pourraient être apportées en cours de route.« Grossir les traits des illustrations est une option envisagée, soutient la directrice des événements de la Société de développement de l’Avenue du Mont-Royal, Sylvie Dugré. Mais malgré tout, on demeure très satisfait du résultat actuel.»

Idée-Ô-Rama se déploie sur plus de deux kilomètres, du boulevard Saint-Laurent jusqu’à la rue d’Iberville.