Le mouvement de grève étudiante du printemps dernier a souligné la capacité et la volonté de mobilisation d’étudiants, souvent sympathisants de la cause souverainiste. Cet élan et le retour au pouvoir du Parti québécois bénéficient-ils au mouvement souverainiste étudiant ? Les avis sont nuancés.
Le coordonnateur du réseau Cap sur l’Indépendance (RCI), Maxime Laporte, note une hausse de l’intérêt pour la cause souverainiste depuis le retour au pouvoir du PQ. «Des mouvements étudiants souverainistes, il y en a de plus en plus», explique-t-il. De son côté, le président du Mouvement des étudiants souverainistes de l’UdeM (MESUM), Julien Bergeron, affirme au contraire ne pas avoir remarqué une hausse d’intérêt notable pour son association. L’étudiant en droit croit malgré tout que le mouvement souverainiste pourra mettre de la pression sur le nouveau gouvernement. «Depuis neuf ans, il n’y a pas d’avancement pour la langue ou pour l’intérêt national, affirme M. Bergeron. Nous ne pouvions pas en demander à Charest, que ce soit au sujet de la langue ou des relations avec Ottawa. Maintenant, nous pouvons agir comme groupe de pression, car nous pouvons réclamer [des gestes du gouvernement péquiste]».
La primauté de la question sociale
À la lumière du mouvement de grève étudiante du printemps dernier, les deux souverainistes interprètent ce moment comme étant bénéfique au mouvement souverainiste étudiant. « Il y avait très peu de drapeaux canadiens lors des manifestations [comparativement au nombre de drapeaux québécois] », remarque M. Laporte. « Le « printemps érable » a représenté un renouement avec la conscience collective afin que la social-démocratie opère plus au Québec, assure M. Bergeron. Or, la souveraineté viendrait nous aider en économie, en environnement, en éducation. » Dans les faits, le lien entre progressisme et souverainisme ne s’est pas autant imposé dans les esprits des étudiants grévistes. L’intérêt des étudiants a surtout porté sur les questions d’ordre économique ou écologique. Ils ont, par exemple, participé au Jour de la Terre et à la marche anticapitaliste du 1ermai. Mais, ils n’ont jamais vraiment abordé le sujet de la souveraineté.
«Pour plusieurs étudiants aujourd’hui, c’est la question sociale qui prime. Peut-être qu’ils disent être souverainistes, mais c’est un souverainisme conditionnel à un projet social. Beaucoup d’étudiants ont par exemple voté pour le NPD», explique le professeur d’histoire et de science politique à l’université à distance TÉLUQ, Éric Bédard. Il reste que la souveraineté n’est plus leur priorité. Pour cela, « il aurait fallu aborder la question nationale lors du débat sur les frais de scolarité », considère a posteriori M. Laporte.
En attente d’un contexte optimal
Le climat politique actuel n’est pas non plus propice au mouvement souverainiste étudiant. «La démarche vers la souveraineté sera difficile avec le PQ minoritaire », réalise M. Bergeron. Mais, son Mouvement compte bien poursuivre ses actions. «Il faut inciter les étudiants à venir aux conférences et les conscientiser lors de débats », poursuit-il. L’année dernière, le MESUM a notamment reçu Pauline Marois, Pierre Curzi et Jean- Martin Aussant.
M. Laporte croit cependant qu’il existe une situation de crise latente qui mènera à un contexte favorable à la souveraineté. «On peut s’attendre à ce que des évènements comme le scandale des commandites ou la Loi sur la clarté permettent de relancer la souveraineté », affirme-t-il. «L’abolition du registre des armes à feu et la Cour suprême qui sermonne le Parti québécois sur la Loi 101 en sont d’autres exemples.» En attendant un contexte plus favorable, les mouvements étudiants souverainistes continuent de promouvoir leurs idées, en distribuant des tracts et en allant à la rencontre des jeunes. «Pour élargir notre base, nous préparons des tournées à Sherbrooke et à Trois- Rivières», indique M. Laporte .
Un movement étudiant et souverainiste
Historiquement, le mouvement étudiant s’est montré pro-souverainiste. L’Association nationale des étudiants du Québec (ANEQ), fondée en 1974, a appuyé le camp du Oui lors du référendum de 1980. Selon le professeur d’histoire et de science politique à l’université à distance TÉLUQ, Éric Bédard, l’ANEQ est en quelque sorte l’ancêtre de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) dans la mesure qu’elle se voulait un groupe d’action de rue. L’Association a éclaté pendant le début des années 1990 à la suite d’un déchirement sur la façon de gérer la remontée de la question nationale. «C’était juste après l’époque de l’accord du lac Meech et des jugements de la Cour suprême sur la Loi 101 que l’ANEQ s’est entre-déchirée», explique M. Bédard. «La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) sont créées comme conséquence de l’éclatement de l’ANEQ et elles sont ouvertement souverainistes», rajoute M. Bédard .