Vous êtes-vous déjà sentis analphabètes ?
J’avais 5 ans quand cela m’est arrivé pour la première fois. Pour m’endormir, mes parents me lisaient des livres remplis d’étranges hiéroglyphes. Troublantes, ces formes bizarres me hantaient la nuit. Les années passant, je pensais m’être débarrassée de cette sensation frustrante de ne rien comprendre. Celle-ci est réapparue il y a deux ans, alors que je couvrais les Jeux olympiques de Beijing. À peine le pied posé sur le tarmac de l’aéroport, idéogrammes, phonogrammes et idéophonogrammes sont venus me titiller l’esprit. À la fin de mon séjour, et malgré de nombreux efforts pour assimiler la langue, les seules expressions que j’arrivais à lire étaient « Beijing » (sur toutes les plaques d’immatriculation des voitures), « Merci », « Toilettes » et « Entrée strictement interdite sans accréditation ». Avant d’embarquer pour le vol retour, j’ai griffonné mes adieux sur une nappe en papier : « Beijing, je t’ai aimé sans te comprendre, un jour je te comprendrai pour t’aimer encore plus. » C’était sûr, j’allais apprendre le mandarin. Puis l’automne est arrivé, véhiculant sa paresse et balayant peu à peu mes promesses.
La Chine, elle, n’est pas paresseuse. Elle fait tout pour être la meilleure, pour être la reine du podium mondial, toutes catégories confondues. Et elle s’apprête à crier victoire. Alors, bien ambitieux que nous sommes, nous savons qu’un « chinois lu, écrit et parlé » sur le curriculum vitæ, ça serait bien joli et sûrement fort utile.
A contrario, certains visionnaires penseront : Pourquoi s’enquiquiner avec une langue à la prononciation aussi obtuse alors que, brillants comme ils sont, les Chinois maitriseront l’anglais à merveille d’ici quelques années ? Laissons les faire le boulot en sens inverse ! Sauf que. Allez vadrouiller du côté du boulevard Pie-IX, en compagnie d’Émilie Cadieux, passionnante agente culturelle au Jardin de Chine du Jardin botanique (p. 12 et 13). Elle vous dira certainement qu’apprendre cette langue, c’est avant tout faire connaissance avec une culture ancestrale qui n’est pas prête de s’éteindre. Ce n’est pas un coup du hasard si la langue chinoise a résisté à l’ère informatique et ses claviers romanisés. Qu’importe nos « qwerty », les Chinois pianotent le pinyin* !
Étudiants, avez-vous compris qu’apprendre le chinois était désormais « urgent comme les cils qui brûlent » ? Pas sûr. Le Centre d’études de l’Asie de l’Est de l’UdeM ne recense que 63 inscriptions aux cours de chinois pour la session d’automne. Pas de panique, il n’est pas encore trop tard pour vous improviser sinophile. Et si vous préférez un traitement moins coûteux et plus personnalisé, allez engager la conversation avec l’un des 160 étudiants chinois du campus (p.7).
Et en amuse-bouche, lisez les chinoiseries dont regorge ce numéro.
* Le pinyin (littéralement « épeler les sons ») est un système de transcription phonétique du mandarin en écriture latine.