Censure à l’UdeM?

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Par Anne-Marie Provost
mercredi 16 octobre 2013
Censure à l'UdeM?
Le professeur de philosophie à l'UdeM Michel Seymour estime que l'Université doit être et rester un lieu de débats. (Crédit photo: Pascal Dumont)
Le professeur de philosophie à l'UdeM Michel Seymour estime que l'Université doit être et rester un lieu de débats. (Crédit photo: Pascal Dumont)

L’UdeM a obtenu un « C » lors de l’évaluation de la liberté d’expression sur le campus. Pourtant, la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM) et l’administration assurent que tout le monde peut parler librement. 

Les deux auteurs du rapport du groupe canadien indépendant Justice centre for constitutionnal freedoms, Michael Kennedy et John Carpay, ont analysé les politiques écrites des administrations et associations étudiantes de 45 universités canadiennes. Ils ont également récolté des témoignages sur le terrain pour avoir une idée du climat de censure sur les campus. « Nous donnons un « A » quand les discours controversés ou offensants sont protégés, explique M. Kennedy. Nous donnons un « F » quand les politiques per- mettent à une administration ou à une association étudiante de pratiquer la censure. » Les auteurs veulent faire pression sur les universités pour qu’elles respectent mieux la liberté d’expression.

L’UdeM affirme avoir pris connaissance du rapport, mais le porte-parole de l’Université, Mathieu Fillion, considère que la Politique sur les droits des étudiantes et étudiants de l’Université de Montréal est suffisamment claire. L’article 1 mentionne que « chaque étudiant jouit des libertés et des droits reconnus par la loi et, en particulier, par la Charte des droits et libertés de la personne. »

La démocratie étudiante déficiente?

Les auteurs du Campus Freedom Index s’inquiètent de l’état de la démocratie étudiante à l’UdeM. Ils parlent de l’utilisation peu fréquente des référendums par la FAÉCUM. Depuis 2007, celle-ci en a organisé deux. Pour les auteurs, cette situation « limite la portée de l’expression des membres sur la multitude d’enjeux sur lesquels la FAÉCUM se prononce ou agit ».

Le secrétaire général de la FAÉCUM, Tiago Silva, reconnaît que la Fédération pourrait organiser plus de référendums. « Cela demande énormément de ressources aux niveaux logistique et financier », prévient-il. Il soutient que les étudiants peuvent aussi s’exprimer dans leurs assemblées générales de programme. Michael Kennedy estime que les votes à main levée peuvent être intimidants. Tiago Silva affirme que du côté des instances de la FAÉCUM, il est facile de demander un vote secret. «Dès que trois personnes demandent le vote secret, elles l’ont automatiquement, affirme-t-il. Pour ce qui est des associations au niveau local, elles ont la légitimité de décider par elles-mêmes de faire ce choix. »

Pour Michel Seymour, professeur titulaire du département de philosophie à l’UdeM, l’université est un lieu de débat et il ne faut pas empêche les gens de s’exprimer. Il se positionne en faveur des votes secrets en assemblée pour les enjeux importants. « Ça prend beaucoup de courage pour défendre son point de vue face à une majorité contre soi, soutient-il. Ce n’est pas facile. » 

M. Kennedy critique également le manque de clarté des politiques de l’UdeM qui lui permet- trait de censurer des discours qui lui plaisent moins. Il pointe du doigt la Politique sur les regroupements étudiants de l’UdeM qui permet de retirer l’accréditation d’un groupe tendant des propos jugés offensants pour la communauté universitaire. Mathieu Fillion juge cette préoccupation « étrange ». « Ce n’est jamais arrivé que l’UdeM retire une accréditation », affirme-t-il. Selon le porte-parole, dans les faits, l’Université se donne le droit de la retirer seulement si des propos diffamatoires ou haineux sont véhiculés. 

Un des auteurs du rapport souligne que l’UdeM pourrait augmenter sa note en ayant des politiques plus claires pour protéger la liberté d’ex- pression. Il leur suggère d’avoir une politique qui force l’Université à intervenir contre l’in- terruption de discours publics par des protestataires. Le porte-parole de l’UdeM n’en voit pas l’utilité. Il répond qu’il n’y a presque jamais eu de perturbation de ce genre sur le campus. « La dernière fois que c’est arrivé, c’était pendant un discours du recteur au printemps 2012 », dit Mathieu Fillion. 

De son côté, si Michel Seymour avait à nommer un enjeu majeur qui fait des vagues à l’UdeM, il ne nommerait pas la liberté d’expression. Néanmoins, « il faut réunir les conditions pour que tout le monde puisse s’exprimer et qu’on puisse entendre les points de vue critiques, soutient-il. Il faut ensuite que l’Université en tienne compte, ce qu’elle ne fait pas toujours. » 

Pour le philosophe, les auteurs du Campus Index Freedom cernent mal le problème. « J’ai l’impression qu’ils sont sur le Titanic à essayer de replacer le mobilier qui bouge, alors que le bateau coule ! », s’exclame-t-il. Il préfère s’attarder à de plus grands enjeux comme la conception entrepreneuriale de l’Université. Selon lui, celle-ci transforme le professeur en employé qui a un devoir de loyauté envers l’entreprise. 

Encadré

Les limites du rapport

MM. Kennedy et Carpray estiment que les politiques antidiscriminatoires ne peuvent pas être utilisées pour censurer des discours impopulaires, controversés ou politiquement incorrects. L’Association des étudiants de l’Université d’Alberta a obtenu la note « F » lors de l’évaluation du groupe. En effet, elle interdit les affiches contenant des propos sexistes, racistes, homophobes ou tout autres propos diffamatoires qu’ils soient écrits ou visuels. Les auteurs reprochent à l’association de juger par eux-mêmes ce qui est publiable ou pas.

Au contraire, le rapport a donné la note « b » àl’Association étudiante de l’University of King’s college car sa charte protège clairement la liberté d’expression et que les auteurs n’ont eu aucun compte-rendu concernant des groupes ou des étudiants qui auraient été traités différemment sur la base de leurs opinions.