Le Beer Pong est un jeu très prisé des jeunes Québécois même si ce dernier n’est idoine qu’à la culture universitaire américaine. Il consiste à faire boire son adversaire le plus possible en lançant des balles de ping-pong dans les verres remplis de bière et disposés en pyramide à l’autre extrémité de la table.
Selon la Régie des alcools des courses et des jeux, il est interdit de pratiquer le Beer Pong dans les bars québécois depuis 1979. En effet, ce jeu viserait à inciter la consommation non responsable d’alcool et selon l’article 75 de la Loi sur les permis d’alcool il déroge à la tranquillité publique.
Il était d’ailleurs très fréquent de voir des parties de Beer Pong se jouer dans les bars aux alentours du campus. Des habitants du quartier Côte-des-Neiges se sont d’ailleurs plaints des désagréments incombés par ces pratiques.
Parfois j’ai l’impression que ce ne sont pas que les étudiants qui jouent. On peut même se demander si les politiciens n’y jouent pas… En réalité, chaque lancé dans le camp adverse correspond à une provocation qui vise à le déstabiliser tout en testant la résistance de chacun. Lors de l’échange de coups qui s’en suit, on peut associer le taux d’intoxication des joueurs à leur capacité à contrer l’attaque lancée au préalable. La seule différence avec le jeu c’est qu’en politique le coup peut venir de son propre camp. J’appelle cela la stratégie du Beer Pong.
Prenons un exemple concret. Le sénateur Mike Duffy et le Premier ministre du Canada, Stephen Harper, semblent être de bons joueurs potentiels. Le jeu a commencé en mai dernier lorsqu’il a été rendu public que le directeur de cabinet du Premier ministre, Nigel Wright, avait signé un chèque 90000$ au sénateur dont M. Harper ne semblait pas être au courant. Ce montant perçu comme un «cadeau» de la part du bureau de Stephen Harper a vite créé une controverse.
Premier lancer fait, Duffy se laisse éclabousser légèrement par les rebonds de la balle dans l’un de ses verres. Il est amené à siéger au Sénat en tant qu’indépendant. Au courant du mois de mai s’ensuit la démission de Wright, laquelle Stephen Harper dit avoir acceptée avec regret. Les problèmes de communication du Premier ministre avec les médias ne jouent pas en la faveur du cabinet et ces derniers s’assurent qu’aucun détail ne leur échappent.
Duffy et Harper semblent avoir de bons vestons imperméables aux éclaboussures de bière et leur niveau d’intoxication redescend tranquillement lors de l’été, période durant laquelle le scandale passe à la trappe.
En octobre, un nouveau lancé est fait lorsque Stephen Harper se dissocie de toute implication dans l’affaire alors que les preuves de l’implication de Nigel Wright sont amenées. Une fois de plus, le Premier ministre reçoit quelques gouttes mais tient tête et réplique une nouvelle fois ne pas avoir été au courant des contacts entre Wright et Duffy.
Le 28 octobre dernier, Duffy porte un coup réussi et étourdit son adversaire. En divulguant au Sénat que non pas un chèque lui avait été transmis mais au moins deux, il fait d’une pierre deux coups de son lancer. Harper boit la tasse et avoue, confus, qu’il avait congédié son directeur de cabinet, laissant ainsi croire qu’il était au courant depuis le début du «cadeau»… On attend encore quel sera le prochain lancer, mais Harper semble déjà bien intoxiqué.
La stratégie du Beer Pong peut aussi s’appliquer dans d’autre domaine comme dans les relations interpersonnelles où les rapports de force implicite se font sans retenus. L’idéal comme dans le jeu, c’est de connaître ses limites et ne pas boire le verre de trop.