Société

Parc-Extension est le deuxième quartier le plus peuplé de Montréal, selon les informations de Centraide. Photo : Benjamin Parinaud

Une collecte de fonds pour son propre bâtiment

La campagne de financement de l’organisme Afrique au féminin (AAF), intitulée « Un toit pour la Femme », sert à récolter les fonds nécessaires pour la rénovation d’un ancien bâtiment commercial qu’il vient d’acheter et situé au 8305 de la rue Durocher.

Initialement, AAF avait pignon sur rue au centre William-Hingston, mais ce bâtiment municipal est fermé depuis le 15 octobre dernier en raison de travaux majeurs.

L’organisme a donc dû déménager ses activités dans un espace alloué par la municipalité, à l’aréna Howie Morenz. Cependant, ce lieu temporaire est nettement moins grand que le centre.

« On est passé de 2 000 pieds carrés à 100 pieds carrés, explique la directrice générale d’AAF, Rose Ngo Ndjel. Avec 100 pieds carrés, ce sont seulement les bureaux qui sont là. On se prive du yoga, des ateliers thématiques, des cafés-rencontres, de bureaux pour les stagiaires. »

L’organisme a donc pris la décision d’acheter un bâtiment pour y installer de manière permanente ses activités et avoir plus d’autonomie.

Une aide pour les immigrantes

Ce nouveau centre permettra à AAF de mieux répondre aux besoins variés des 7 000 femmes immigrantes dont il s’occupe chaque année.

L’espace, plus grand, regroupera tous les services de l’organisme : banque alimentaire hebdomadaire, ateliers sur l’immigration, conseils financiers, garderie ou encore sorties socioculturelles.

Pour ce faire, AAF a besoin de 3 millions de dollars pour ce nouveau centre. L’achat du bâtiment s’élève en effet à 1,1 million de dollars, tandis que le coût des travaux d’aménagement se monte à 1,9 million de dollars.

À l’heure actuelle, 150 000 dollars manquent encore pour réunir la totalité de la somme. L’organisme a neuf mois pour les récolter — échéance de la campagne de financement — afin de finaliser son projet. Il a pour le moment obtenu 9 820 dollars depuis le lancement de la collecte de fonds.

Par la suite, l’organisme compte ajouter deux étages au bâtiment nouvellement acquis. Le premier répondra ainsi aux besoins de garderie, tandis que le second hébergera des bureaux administratifs. Le rez-de-chaussée, quant à lui, servira d’accueil et de lieu de distribution des paniers alimentaires.

Le toit-terrasse sera pour sa part un espace dédié à la plantation de légumes. « Ce projet vise avant tout à faire de cet immeuble la maison de la femme, où chaque femme peut se sentir elle-même et peut venir partager ses joies comme ses malheurs », précise Mme Ngo Ndjel.

Embourgeoisement

Parc-Extension est un quartier cosmopolite dont la majorité de la population est locataire, et il est l’un des plus pauvres de Montréal.

Le regroupement de lutte contre la pauvreté Centraide dresse un portrait de la situation socio-économique du quartier à partir des données du dernier recensement de Statistique Canada de 2021.

Il évalue ainsi qu’un peu plus d’une personne sur cinq qui réside dans Parc-Extension perçoit en effet un faible revenu, selon la Mesure du panier de consommation (MPC), indice officiel de la pauvreté au Canada. Son revenu annuel est donc inférieur au coût des biens et des services jugés essentiels pour répondre à ses besoins de base, ainsi qu’à ceux de sa famille.

Plus de 40 langues sont parlées dans le quartier, et 44,58 % de la population est d’origine immigrante. La vaste majorité des résident·e·s sont locataires : huit ménages sur dix louent en effet leur habitation.

En outre, plus d’un quart de ces derniers occupent un logement dit inabordable, selon la définition de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), consacrant ainsi un minimum de 30 % de leur revenu pour se loger.

Pour Mme Ngo Ndjel, l’embourgeoisement de Parc-Extension bouleverse le cœur même de sa communauté. « Moi, j’habite le quartier depuis une vingtaine d’années, confie-t-elle. Je payais un 3 ½ 325 dollars; 20 ans plus tard, ça coûte 1 200 dollars. »

Pour la directrice d’AAF, l’arrivée du campus MIL de l’Université de Montréal et celle d’étudiant·e·s doté·e·s d’un fort pouvoir d’achat participent à ce phénomène d’embourgeoisement. « Pour eux, un loyer de 1 800 dollars divisé par trois est correct, ça fait 600 dollars chacun, poursuit Mme Ngo Ndjel. Mais 600 dollars, c’est déjà le budget d’une personne avec une famille. ».

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