La réalité des étudiants atteints du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme, est peu connue. En 2013, ils étaient quinze à suivre leurs études à l’UdeM. Ces étudiants, qui ont souvent d’excellentes capacités intellectuelles, ont leurs propres besoins, et leur réussite dépend de leur accès à des services spécifiques. Malgré les services proposés par l’UdeM, certains de ces étudiants décident de la quitter.
«Je n’ai pas aimé la paperasse que je devais signer, j’ai d’autres choses à faire que de constamment prouver aux institutions que je suis Asperger», critique l’ancien étudiant en histoire Renaud Hobden. Il a décidé d’abandonner l’Université après deux ans pour commencer une technique en documentation qu’il complète actuellement au Collège de Maisonneuve. Malgré d’excellentes notes, il a été découragé par l’inconstance de son cursus ainsi que par les faibles perspectives d’emploi qui s’offraient à lui. «Je ne sais pas quelle carrière j’aurais pu entamer avec un tel diplôme», dit-il.
Le syndrome d’Asperger est un trouble envahissant du développement. «Ce syndrome affecte la communication, les interactions sociales et atteint le plan sensoriel», explique l’intervenante à Autisme Montréal Nathalie Boulet. Les symptômes peuvent conduire à une crainte constante de l’inconnu, confinant ainsi les Aspergers à une routine très rigide et causant des difficultés de socialisation. «Ils sont dotés d’une intelligence normale, même parfois supérieure à la moyenne», complète-t-elle. Souvent solitaires, ils ont de la difficulté à interagir et à communiquer avec les autres.
Des ressources éloignées
«Ce qui est bien, c’est qu’au cégep, il y a une proximité des services, alors qu’à l’Université, je devais constamment marcher entre les pavillons Jean-Brillant et J.-A.- DeSève afin d’en bénéficier », se souvient Renaud. Pour avoir accès aux services proposés par l’UdeM, Renaud recevait chez lui les documents qu’il devait signer et poster afin de confirmer son accès aux services.
Ce n’est pas le cas au cégep dans lequel il lui est possible de les compléter et de les remettre sur place pour profiter des ressources : accès à un cubicule pour ses examens, temps supplémentaire afin de les compléter, service de tutorat, preneur de notes lors de ses cours, enregistreuse automatique. « Le problème n’est pas lié au professionnalisme des personnes qui m’ont suivi, mais bien à un manque de personnel dû probablement à un manque de ressources», nuance-t-il.
Pourtant, le Soutien aux étudiants en situation de handicap (SESH) a pour mission de veiller à la coordination des services offerts à ces étudiants, de les informer, de les conseiller et de promouvoir leurs intérêts tout en favorisant leur intégration scolaire. Toutefois, il n’y a pas de politique spécialement conçue pour ces étudiants. «Nous y allons toujours au cas par cas, car personne ne s’organise de la même façon, spécifie le responsable du SESH, Nicolas Fortin. Certaines personnes demanderont une augmentation du temps afin de faire leurs examens alors que pour d’autres, il s’agira de les aider pour leur organisation du temps.»
La transition entre le cégep et l’université est aussi importante. Le SESH propose une aide pour l’effectuer. «On fournit généralement un accompagnateur aux personnes qui en font la demande», affirme le conseiller au SESH Baudouin Cardyn. Ce tuteur peut alors aider l’étudiant à s’adapter à son nouvel environnement en lui faisant visiter le campus.
La doctorante en biologie anthropologique à l’UdeM Émeline Raguin a été accompagnatrice pour l’un des étudiants atteints du syndrome d’Asperger. «Je l’aidais à visiter le campus, à lui faire découvrir l’Université et j’étais surveillante lors de ses examens, car il avait son propre local», relate l’étudiante. Toutefois, elle concède qu’elle n’était pas au fait de son état. «Nous n’avons pas accès à leur diagnostic», dit-elle.
L’UdeM n’est pas la seule université à proposer des services aux étudiants atteints du syndrome d’Asperger. « L’établissement travaille en amont avec les collèges associés, soit le Vieux-Montréal et Montmorency», soutient la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers.
Même la famille proche est contactée et invitée à participer au processus. «Nous nous organisons afin de leur faire visiter les lieux, nous les informons des différents services, comme du mentorat et du tutorat que nous pouvons leur offrir afin de créer un environnement propice à leur insertion», assure la porte-parole de l’UQAM. Les professeurs sont aussi sensibilisés afin d’accueillir ces étudiants dans leur classe. «Si nous jugeons que l’étudiant n’est pas prêt, pour diverses raisons, à entrer dans notre université, nous lui proposons d’autres options», explique-t-elle. Cette année, l’UQAM a recensé une dizaine d’étudiants Asperger.
Si certains étudiants Asperger ont des problèmes à l’université, ce n’est pas en raison de difficultés d’apprentissage. «Ils n’ont pas de déficience intellectuelle et apprennent très bien, mais différemment», affirme le psychiatre au Centre de recherche de l’Institut universitaire de santé mentale de Montréal, le Dr Baudouin Forgeot d’Arc. Pour ce spécialiste, il est tout à fait possible pour ces étudiants d’obtenir un diplôme universitaire puisque les problèmes rencontrés sont d’un autre ordre. «Il faut surtout savoir s’organiser, faire face à des environnements changeants, surmonter le stress avant les examens, et même travailler en groupe, énumère le docteur. Lorsque nous recommandons un étudiant ayant ce type de diagnostic dans une université, celle-ci répond généralement bien.» Il indique qu’il faudrait davantage sensibiliser les gens en leur faisant comprendre qu’un étudiant peut avoir de la valeur tout en étant différent. Cela aiderait grandement l’insertion des étudiants atteints d’Asperger sur le marché du travail.