Volume 21

Contrairement aux pharmacies publiques des établissements de santé, les pharmacies privées comme pharmaprix ne connaissent pas de pénurie de pharmaciens. ( crédit photo : Adil Boukind )

Pharmaciens et dépanneurs

 Depuis près de 15 ans, la pénurie des pharmaciens au Québec ne cesse de s’aggraver dans le secteur des établissements de santé à cause des conditions salariales. Plus avantageux en termes de salaire et demandant moins d’études supérieures, le secteur privé attire plus les nouveaux diplômés.

«Il manque environ 300 pharmaciens, soit 23 % de l’effectif total», affirme le président de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES), François Paradis. Cette année, le Québec connaît un manque criant de pharmaciens dans les établissements de santé.

Les établissements de santé regroupent toutes les institutions du gouvernement qui ont une pharmacie tels que les Centres hospitaliers, les centres de santé et de services sociaux (CSSS) ou les Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Les autres pharmacies telles que Jean-Coutu, Pharmaprix ou Uniprix appartiennent, elles, à un réseau privé.

Pour faire face à cette situation, les établissements de santé sont obligés de faire appel à des pharmaciens « dépanneurs », qui n’ont pas d’attache avec un établissement donné. Ce recours a augmenté de 17 % pour un coût de 15M $ depuis 2011 selon l’enquête annuelle de l’APES. Au Québec, 52 établissements du secteur public sur 114 ont affirmé avoir recours aux pharmaciens «dépanneurs».

Des salaires moins avantageux

Les salaires dans le secteur public expliquent la pénurie des pharmaciens dans ce domaine pour M. Paradis. «En début de carrière, un pharmacien dans le secteur privé gagnait environ 30 à 35 % de plus que celui travaillant dans le secteur public en 2012 », indique le président de l’APES.

Depuis, une entente salariale réduisant l’écart des salaires a été signée entre Québec et l’APES. Avec la nouvelle entente, les pharmaciens des établissements de santé gagnent toujours un peu moins. Toutefois, au bout de six ans d’expérience, ils peuvent gagner presque le même salaire que leurs collègues du secteur privé. «En début de carrière, les pharmaciens du secteur public gagnent environ 90000 $ par an, mais au bout de 6 ans, ils atteindront environ 100000 $, presque l’équivalent de ceux qui travaillent dans les pharmacies communautaires», soutient le professeur et doyen de la Faculté de pharmacie de l’UdeM, Pierre Moreau.

Mis à part les salaires, M. Moreau affirme que les congés de maternité de certaines pharmaciennes et la non-flexibilité des heures de travail peuvent aussi expliquer le manque de pharmaciens dans le secteur public. «Parfois, le chef d’un établissement hospitalier m’appelle et me dit “Pierre, cette année, c’est difficile, car j’ai trois ou quatre pharmaciennes qui sont parties en congé maternité”», indique M. Moreau. Actuellement, 35 femmes et huit hommes sont inscrits à la maîtrise en pharmacothérapie avancée.

Il est aussi plus facile de concilier études supérieures et travail de pharmacien dans le secteur privé. «Quand je faisais ma maîtrise et mon doctorat, je pouvais facilement travailler le soir en semaine ou en fin de semaine», se rappelle le doyen. Il n’a jamais travaillé dans une pharmacie d’un établissement de santé, si ce n’est pour y faire un stage.

Un travail demandant

Pour pratiquer dans le secteur public, le pharmacien doit avoir, en général, une maîtrise en pharmacothérapie avancée. En effet, il sera amené à traiter des malades aux pathologies complexes et devra réaliser des actes médicaux comme l’injection de médicaments, la stabilisation d’un patient ainsi que la réalisation de chimiothérapies, entre autres. Cependant, dans les milieux ruraux, on permet parfois au pharmacien qui n’a qu’un doctorat de premier cycle (l’équivalent du baccalauréat) de pratiquer dans le public, car dans ces zones-là, les patients souffrant de maladies aiguës sont transférés dans les grands hôpitaux en zone urbaine.

Dans le secteur privé, les pharmaciens ne sont pas obligés d’avoir obtenu une maîtrise. Seul un doctorat de premier cycle en pharmacie suffit, vu que les services offerts sont des services couvrant des situations moins complexes: suggérer des médicaments en vente libre ou traiter des patients atteints de maladies chroniques.

Pour faire la promotion du métier de pharmacien en établissement de santé auprès des étudiants en pharmacie des universités de Montréal et de Québec, un colloque a été organisé fin septembre à Montréal. «Pendant toute une journée, nous avons expliqué aux étudiants en quoi consiste le métier d’un pharmacien dans un hôpital», indique M. Paradis.

À la question: où travailler après les études, le président de l’Association des étudiants de la Faculté de pharmacie de l’UdeM (AÉPUM), Félix Thompson-Desormeaux, ne peut pas trancher. «Je ne peux rien dire pour le moment, précise le président. Je ferai mon choix après le stage marquant la fin de ma maîtrise en pharmacothérapie avancée.» Le président de l’AÉPUM souligne que selon lui, le travail dans le secteur public est moins routinier. « Le salaire de la pharmacie d’officine est attirant, mais je suis déjà las du service à la clientèle », déclare l’étudiant en troisième année de pharmacie Alexandre Mathieu.

Pour combler la pénurie des pharmaciens dans les établissements de santé, il faudrait, selon M. Paradis, former chaque année 115 pharmaciens en maîtrise en pharmacothérapie avancée au lieu des 75 étudiants inscrits cette année au Québec. Un nombre d’inscrits record étant donné que les Facultés de pharmacie de l’UdeM et de l’Université Laval avaient de la difficulté à combler leur quota de 35 places chacune par le passé.

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