Volume 21

Médecins et futurs chômeurs?

Étudier huit ou dix ans pour devenir médecin spécialiste et se retrouver sans emploi inquiète de plus en plus les associations de médecins résidents et d’étudiants en médecine. Elles réclament une baisse des admissions au sein des facultés de médecine québécoises. 

Selon des enquêtes menées en 2011 et 2012 par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, 16 % des médecins spécialistes canadiens ont des difficultés à trouver un emploi. Une situation qui s’explique par le manque de postes disponibles, et non par une pénurie de patients, car les listes d’attente pour consulter un médecin spécialiste sont longues. 

Le problème du chômage médical se pose particulièrement dans les spécialités chirurgicales comme la neurochirurgie ou la chirurgie orthopédique. Parmi ces médecins touchés, certains décident de suivre une formation complémentaire pour augmenter leurs chances de décrocher un poste, alors que d’autres quittent le pays pour aller travailler de l’autre côté de la frontière. « De plus en plus d’étudiants passent l’examen USMLE [United States Medical Licensing Examination] pour pouvoir exercer aux États-Unis », affirme la présidente de la Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ), Valérie Martel. 

Mieux vaut prévenir que guérir

Face à cette situation, la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) sonne l’alarme. Elle craint que le problème du chômage médical des spécialistes ne s’aggrave. Elle demande au gouvernement de mieux planifier les besoins en médecins pour les années à venir. Un exercice complexe, reconnaît le président de la FMRQ, le Dr Joseph Dahine. Il ne s’agit pas uniquement d’adapter le nombre de postes disponibles à l’augmentation et au vieillissement de la population. « Parfois, des postes ne peuvent pas être créés par manque d’infirmières ou d’infrastructures comme des salles d’opération », explique le Dr Dahine. L’inadéquation entre l’offre et la demande de médecins spécialistes revient cher à la société: former un médecin spécialiste coûte environ 150 000

$. 

La FMRQ a engagé des discussions avec le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec pour trouver des solutions. Elle croit que la résolution du problème passe notamment par la réduction des admissions en facultés de médecine. Une position que défendent depuis 2011 la FMEQ et l’Association des étudiantes et étudiants en médecine de l’UdeM.

Être proactif

L’AEEMUM mise également sur une meilleure information des étudiants en médecine. « La stratégie à envisager est de choisir une spécialité en fonction des places disponibles selon les Plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) », estime le président de l’AEEMUM, Louis-Philippe Thibault. À ce jour, le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaît que la médecine de famille, l’anatomopathologie, la chirurgie plastique, la der- matologie, la gériatrie, l’hémato-oncologie, la médecine interne, la physiatrie, la psychiatrie et la rhumatologie sont des disciplines pour lesquelles davantage de médecins devront être formés au cours des prochaines années afin d’assurer à la population une plus grande équité d’accès aux services médicaux grâce aux PREM. 

M. Thibault juge que les étudiants de l’UdeM sont plutôt bien informés. « Le vice-décanat fait très bien son travail, considère-t-il. Il assure une bonne communication et fait venir des médecins spécialistes pour parler aux étudiants. »

Le FMEQ siège au comité de planification des effectifs médicaux, en compagnie des doyens* des quatre facultés de médecine québécoises. Les admissions devraient rester stables selon Mme Martel. « Les doyens veulent rester prudents », souligne-t-elle. L’action de la FMEQ ne se limite pas à se faire entendre auprès des décideurs politiques. Elle prône également un changement de culture chez les étudiants en médecine. « Beaucoup d’entre eux croient qu’ils peuvent s’installer n’importe où et exercer la spécialité qu’ils veulent », constate Mme Martel. La FMEQ travaille à mieux informer les étudiants. Elle a notamment fait paraître en juin dernier un guide sur les résidences. Elle participe aussi à des conférences dans les universités et assiste à chaque assemblée générale étudiante des facultés de médecine.

Promouvoir la médecine familiale est l’autre solution préconisée pour éviter que de jeunes diplômés en médecine ne se retrouvent au chômage. Il y a une pénurie de médecins de famille au Québec. La médecine familiale est de plus en plus populaire auprès des étudiants, mais elle doit être encore plus valorisée pour en attirer davantage. En 2012, des postes de résidence en médecine familiale sont restés vacants.

Le Dr Dahine souhaite également que des postes en réseau soient créés en région pour attirer les jeunes médecins spécialistes. « Il est important de couvrir les régions, mais les postes doivent être de qualité », dit-il. Il aimerait aussi une plus grande transparence au niveau de l’affichage des postes disponibles afin de permettre aux diplômés de mieux mener leur recherche d’emploi.

*La doyenne de la Faculté de médecine de l’UdeM, la Dre Hélène Boisjoly, n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue. 

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