Campus

Crédit photo: Pascal Dumont

Avoir de la vision

François Cardinal passe devant le local de Quartier Libre (QL) en 1997 et décide d’y entrer pour se proposer comme collaborateur. Un coup de tête qui a changé la carrière du plus jeune éditorialiste de La Presse, qui hésitait à ce moment entre devenir garde forestier et journaliste.

«Avant d’y mettre les pieds, ça me semblait tellement grand et intimidant, se souvient-il. Je me sentais tout petit dans mes souliers. » Jeune, il considère déjà le journal comme un organe important. «J’avais lu dans un article que Lise Bissonette, alors directrice du Devoir, lisait systématiquement les journaux étudiants, explique-t-il. Elle montrait leur importance et ça m’a allumé.» L’étudiant en anthropologie de 22 ans s’implique alors surtout dans la section société-monde, aujourd’hui renommée société.

Le jeune homme marche donc, sans le savoir, dans les traces de son père Jean-Guy Cardinal qui a été collaborateur au Quartier Latin (l’ancêtre de Quartier Libre) dans les années 1940. «J’ai appris bien après que mon père avait été au journal, dit-il. Déjà avant de l’apprendre j’étais fier de m’inscrire dans cette lignée importante de Quartier Latin – Quartier Libre, mais j’ai trouvé que c’était un beau clin d’œil au passé. » Il faut rappeler que François Cardinal avait quatre ans quand il a perdu son père, alors député du Parti québécois et vice-président de l’Assemblée nationale.

L’année suivante, François Cardinal devient directeur du journal étudiant sans passer par un poste de chef de pupitre. À l’époque, le poste de directeur regroupait aussi le rôle de rédacteur en chef. «Nous avons eu une vraie course à la direction, la chef de pupitre campus et moi, avec des temps de parole pour présenter notre vision du journal», relate-til. Le nouveau directeur ne tarde pas à apporter sa touche personnelle au journal. Il en fait d’ailleurs le sujet de son premier éditorial, où il dénonce le «politiquement correct» d’autres périodiques.

Éditorialiste à La Presse depuis 2010, M. Cardinal admet qu’il a pris goût à ce genre journalistique à Quartier Libre. « J’aimais beaucoup la difficulté supplémentaire que demande un éditorial quand j’étais à Quartier Libre, dit-il. Il faut lire beaucoup, vraiment tout résumer, amener un angle original et une prise de position dans un texte court.»

En tant que directeur, François Cardinal envoie d’ailleurs systématiquement ses éditoriaux aux quotidiens montréalais pour les pages d’opinion. Cela lui a permis d’être publié une fois, dans Le Devoir, à propos de l’entente d’exclusivité qu’avait obtenue Pepsi sur le campus de l’UdeM. «C’était un enjeu qui dépassait les limites de l’Université, assure-t-il. Les grands quotidiens en parlaient et ils étaient contents de publier une lettre du directeur de Quartier Libre

Toutefois, cette passion pour l’éditorial a failli jouer un vilain tour à François Cardinal. Alors qu’il est reçu en entrevue par le rédacteur en chef du Journal de Montréal, il lui présente son portfolio, surtout composé d’éditoriaux de QL. «Il l’a feuilleté très rapidement et l’a jeté à la poubelle avant même de m’adresser la parole, se rappelle-t-il. Puis il m’a dit : “Il n’y a pas d’éditoriaux dans le Journal de Montréal”. » Le jeune journaliste a tout de même été engagé aux faits divers, mais a retenu une excellente leçon de cette anecdote. «J’ai appris à la dure qu’il est important de faire du journalisme de terrain quand on est dans un journal étudiant», soutient-il.

L’UdeM, une microsociété

Il regrette ne pas avoir assez couvert de sujets campus dans sa jeune carrière et en saisit maintenant toute la pertinence. «Mes éditoriaux sur des enjeux nationaux et internationaux étaient peut-être très bien, mais j’aurais dû rencontrer des gens, essayer d’avoir des informations de la direction ou des sources, pense-t-il. J’ai compris par la suite l’importance de la section campus.»

Un journal étudiant ne doit pas essayer d’être un grand quotidien qui touche à tout et doit se concentrer sur les actualités de proximité selon M. Cardinal. « Le plus important est d’être bien ancré dans son milieu et de couvrir l’Université de manière très suivie, comme si c’était un petit État, juge-t-il. C’est ce qui ressemble le plus au vrai métier de journaliste.»

François Cardinal avoue qu’il lit les journaux étudiants lorsqu’il doit couvrir l’éducation pour l’équipe éditoriale. «Puisqu’ils sont en première ligne, ils sont un excellent baromètre de ce qui se passe dans les campus universitaires», soutient-il.

Si François Cardinal a énormément appris à Quartier Libre et qu’il en retient surtout de bons souvenirs, un événement vient obscurcir ce beau tableau. « Lorsque j’étais directeur, nous avons découvert que le gestionnaire détournait des fonds dans ses poches depuis des années, raconte-t-il. Cela a été catastrophique pour Quartier Libre. » Cet épisode, qu’il qualifie lui-même de difficile, ne l’empêche toutefois pas d’apprécier le journal qui lui a permis de lancer sa carrière.

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