Le gouvernement péquiste confirmait, le 2 septembre dernier, ses intentions de réformer l’enseignement de l’histoire du primaire au collégial. Le projet, qui vise à accorder une plus grande place à l’histoire nationale, est toutefois loin de faire l’unanimité à l’UdeM.
L e secrétaire général de l’Association étudiante d’histoire de l’UdeM (AEHUM), Guillaume Trottier-Gascon, voit cette réforme d’un mauvais œil. Selon l’étudiant, ce n’est pas sur l’histoire nationale que l’accent devrait être mis. «L’histoire de l’Asie, de l’Afrique, toute l’histoire hors occident est exclue présentement, dit-il. C’est encore un problème à l’université, bien qu’un peu moins. »
L’histoire nationale devrait s’ajouter à la liste des cours obligatoires au cégep dès l’automne 2014. Des consultations auront également cours ces prochaines semaines afin de réformer le programme au primaire et au secondaire.
Le professeur titulaire au Département d’histoire de l’UdeM Jacques Rouillard applaudit pour sa part le projet péquiste. Il croit que cette réforme permettra aux étudiants d’arriver à l’université avec des bases plus solides. « Il y a deux cours au secondaire sur l’his- toire du Québec et du Canada, alors qu’il n’y en avait qu’un jusqu’à tout récemment. Mais le problème, ça demeurait le contenu, explique-t-il. Là, ça va s’améliorer. » Toutefois, M. Rouillard ne pense pas que l’ajout d’un cours au collégial permettra aux professeurs d’université d’approfondir la matière qu’ils enseignent. «Il y a beaucoup d’étudiants qui viennent de l’extérieur du Québec, alors il faudra que l’enseignement demeure très général », soutient-il.
Une réforme justifiée ?
M. Rouillard se réjouit de cette initiative gouvernementale, qui tentera de redonner plus d’importance aux grands événements poli- tiques de l’histoire du Québec. Le professeur rappelle que c’est à la suite d’une première réforme du programme d’histoire au secon- daire, élaborée en 2007 par le ministère de l’Éducation, que le mécontentement a éclaté chez certains groupes nationalistes. À l’époque, ceux-ci accusaient le nouveau programme de minimiser les valeurs collectives ayant façonné le Québec.
M. Rouillard précise que la réforme de 2007 provenait d’une tendance chez les historiens. « Dans l’ensemble des universités québé- coises, il y a ce sentiment que l’histoire natio- nale est ringarde, dépassée », affirme-t-il. Le professeur espère que le projet péquiste ramènera un meilleur équilibre entre l’enseignement de l’histoire politique et de l’histoire sociale, qui fait l’étude des différents groupes formant une société. « Pendant quasiment 25 ans, soit de 1985 à 2007, l’enseignement était équilibré, explique-t-il. Mais le programme de 2007 a négligé la dimension collective de l’histoire. Ce fut une réforme profonde ».
Guillaume Trottier-Gascon, pour sa part, croit qu’on devrait s’attaquer à d’autres enjeux. « Ce que je trouve important dans une formation en histoire, c’est la méthode historiographique, la remise en question des sources. Et je serais surpris que le projet péquiste touche à ce volet », déplore-t-il. L’étudiant soutient qu’on ne devrait pas présenter l’histoire comme une vérité, puisqu’il s’agit d’une vérité construite.
La professeure agrégée au Département de sociologie de l’UdeM, Sirma Bilge, abonde dans le même sens que le secrétaire général de l’AEHUM. « On ne doit pas enseigner une histoire factuelle érigée en vérité absolue, dit-elle. La confrontation de plusieurs pers- pectives, une diversité des voix, cela me semble préférable ».
Sirma Bilge croit que cette réforme fait partie d’un grand ensemble. « Il ne faut pas traiter ce dossier de manière isolée, explique-t-elle. Le gouvernement fait une sorte de fixation sur l’identité. Je ne suis pas enchantée, parce que ça ne ressemble pas à une vision pluraliste ». Dans une lettre d’opinion parue dans La Presse du 4 septembre, Mme Bilge se disait inquiète que la matière histoire en vienne à servir l’idéologie nationaliste. Rappelons qu’un des buts avoués de la réforme péquiste est de valoriser l’identité québécoise.
Si l’ajout d’un cours au cégep se concrétise, le gouvernement devra procéder à plusieurs embauches d’enseignants au cours des pro- chains mois. « J’ai un étudiant qui vient de m’écrire qu’il s’inscrira à la maîtrise en histoire, justement parce qu’on aura besoin de nouveaux professeurs au collégial », confiait M. Rouillard. Pour M. Gascon-Trottier, ces nouvelles perspectives d’emplois s’avèrent être, somme toute, une bonne nouvelle pour ses camarades. « Mais si je dis cela, c’est que je prêche pour ma paroisse ! », dit-il.
Antoine Quinty-Falardeau