L’UdeM est la seule université montréalaise à ne pas disposer d’un espace dédié aux étudiants autochtones. Une situation qui pourrait changer suite à la semaine de rencontres autochtones organisée au début du mois d’avril sur le campus.
Les universités Concordia et McGill ainsi que l’UQAM possèdent toutes un local pour accueillir les étudiants autochtones depuis les années 1990. L’UdeM, quant à elle, ne sait même pas combien d’autochtones étudient sur ses campus.
Lors de la semaine autochtone qui s’est déroulée du 8 au 12 avril sur le campus, l’UdeM a invité ses étudiants autochtones à une rencontre qui a réuni trois étudiants. Un petit chiffre, mais qui constitue déjà une première étape dans le développement de la prise en compte des besoins des étudiants autochtones à l’UdeM. Ces derniers sont en effet difficiles à rejoindre, car ils ne sont pas répertoriés par l’administration.
Pour remédier à ce problème, l’UdeM va s’inspirer des autres universités, comme Concordia et McGill, qui proposent aux autochtones de s’identifier comme tels lorsqu’ils remplissent leur demande d’admission. Concordia sait qu’elle compte 180 étudiants autochtones et McGill une centaine. «Nous planifions de créer un petit groupe de travail pour mettre en place des moyens de rejoindre les étudiants autochtones et des outils pour favoriser leur intégration», promet l’adjointe à la vice-rectrice aux affaires étudiantes et au développement durable, Caroline Reid.
À partir de l’automne 2014, les futurs étudiants des Premières Nations auront donc la possibilité de divulguer volontairement leur identité autochtone sur leur demande d’admission à l’UdeM. Selon le chirurgien d’origine innue Stanley Vollant, qui est consultant pour la Faculté de médecine de l’UdeM, cette option est déclinée par 30 à 40 % des étudiants amérindiens au Canada. «Certains étudiants autochtones préfèrent ne pas s’afficher, car ils ne veulent pas être ostracisés, explique celui qui a coorganisé la semaine de rencontres autochtones. L’existence de préjugés à l’encontre des autochtones fait qu’ils ont peur d’être vus comme des personnes ayant un passedroit ». D’où la nécessité, selon lui, de continuer à sensibiliser les gens pour faire tomber les idées reçues. Une autre semaine de rencontres autochtones est donc prévue l’année prochaine.
Des besoins multiples
Offrir des services aux étudiants des Premières Nations est pourtant essentiel. En moyenne, les deux tiers des étudiants québécois obtiennent leur diplôme. Le taux de diplomation des étudiants autochtones est de 8% selon M. Vollant. Avoir davantage d’autochtones diplômés de l’université serait pourtant bénéfique pour les communautés dont ils sont originaires. «L’éducation est un facteur-clé de l’émancipation des communautés et de l’amélioration de la santé de leurs membres», affirme M. Vollant .
Les centres de ressources universitaires pour les étudiants autochtones les aident à faire face aux obstacles qu’ils rencontrent, surtout pour ceux qui viennent des réserves. Le choc culturel avec la ville peut être difficile à vivre. « Les autochtones passent souvent d’une petite école, où les classes sont petites et le rapport avec les professeurs étroit, à une grosse institution comme l’UdeM, explique M. Vollant. Or, les étudiants autochtones ne jouent pas à armes égales avec les autres étudiants, car leur bagage éducatif est de moins bonne qualité.»
Les étudiants des Premières Nations n’ont pas nécessairement fréquenté le cégep avant d’aller à l’université. «Ils ont souvent des lacunes, que ce soit en matière de prise de notes, de rédaction ou encore de gestion du temps», ajoute la coordinatrice du Service Premières Nations du campus de Val-d’Or de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), Nancy Crépeau .
Ils n’ont également pas le même profil que les autres étudiants québécois. « Beaucoup d’étudiants ont un parcours scolaire atypique, déclare la coordinatrice du Centre de ressources pour les étudiants autochtones de l’Université Concordia, Nadine Montour. Ils ont souvent travaillé plusieurs années avant de retourner aux études. » Nombre d’entre eux sont des femmes qui ont des enfants. Concilier les études avec la vie familiale est souvent difficile. « Ces étudiantes doivent souvent interrompre leurs cours pour assurer leurs responsabilités familiales », souligne-t-elle.
Les étudiants autochtones font également face à d’autres défis. «Ils ont souvent du mal à trouver un emploi à temps partiel, assure la coordinatrice de la Maison des Premiers Peuples de l’Université McGill, Paige Isaac. Ils souffrent également de l’éloignement de leur communauté.» D’où l’importance d’offrir à ces étudiants un lieu d’écoute. «Ici, ils peuvent se sentir comme à la maison », indique Mme Montour en parlant de son centre.
Une aînée à l’université
Les moyens développés pour aider les étudiants autochtones sont multiples. Le Centre de ressources pour les étudiants autochtones de l’Université Concordia organise par exemple des ateliers de recherche d’emploi. Il offre également un service d’assistance à la rédaction pour épauler les étudiants dans la réalisation de leurs travaux universitaires. Une aînée autochtone est également présente pour soutenir les étudiants qui ont des problèmes personnels, pour les guider spirituellement et pour pratiquer des cérémonies traditionnelles de purification.
Depuis 10 ans qu’il a mis en place des services pour les étudiants autochtones, le campus de Val-d’Or de l’UQAT a développé diverses stratégies. «Au lieu d’organiser des 5 à 7, nous proposons des activités où même la famille élargie est la bienvenue, explique Mme Crépeau. Et nous avons étalé les cours de septembre à juin pour adapter le calendrier universitaire à celui des écoles».
Les universités travaillent également à recruter de nouveaux étudiants autochtones. Mme Montour se rend régulièrement dans les communautés pour faire la promotion de l’Université Concordia. «Parler avec les gens en face à face est la meilleure option pour démystifier l’université», estime-t-elle.
Le Dr Vollant a lui aussi décidé d’aller à la rencontre des jeunes autochtones pour les inciter à poursuivre des études supérieures. Le 30 avril prochain, il organisera une miniécole de la santé dans la réserve de Manawan, à 250 km au nord de Montréal. Lui et 38 étudiants de l’UdeM viendront présenter les métiers de la santé et des services sociaux. « L’objectif est notamment d’inspirer les jeunes, car les besoins en santé et en services sociaux sont gigantesques dans les communautés autochtones », souligne M.Vollant, qui précise qu’il n’y a qu’un ou deux dentistes pour les autochtones à travers le Québec.