Les manuels universitaires numériques sont encore peu répandus, mais les maisons d’édition s’organisent pour en proposer. S’ils séduisent de plus en plus de professeurs, l’intérêt des étudiants pour ces manuels reste mitigé.
Les manuels universitaires numériques permettent une plus grande diversité et une meilleure maniabilité de la matière étudiée que la version imprimée, plus lourde. « Le contenu est plus dynamique. Des exercices ou encore des tutoriels peuvent être disponibles, indique le professeur adjoint de littérature et de culture numérique à l’UdeM Marcello Vitali Rosati. Des notions peuvent être immédiatement renvoyées à d’autres grâce aux hyperliens. » Des propos qu’appuie la chargée de projets des Presses de l’UdeM (PUM), Sylvie Brousseau. «La recherche est simplifiée grâce aux mots clés, ce qui est un avantage pour les chercheurs et les étudiants, explique-t-elle. En un clic, on se rend sur internet. »
Certains professeurs de l’UdeM invitent les étudiants à se procurer des manuels numériques. « Si une version numérique est disponible, j’encourage toujours les étudiants à la privilégier», confie M. Vitali Rosati. Les PUM s’adaptent à cette évolution. «La plupart de nos livres sont actuellement disponibles en format numérique, surtout en PDF, mais aussi en ePub (publication électronique), déclare Mme Brousseau. Nous numérisons systématiquement tous nos titres. »
Cependant, ce sont les étudiants qui déterminent si un manuel numérique fonctionne ou non.«Récemment,nous avons proposé les deux versions pour un manuel en sciences infirmières, raconte la gérante de la librairie Jean-Brillant, Mélanie Primeau. La version électronique était moins chère que celle papier, mais sur 200 étudiants, seulement cinq personnes l’ont choisie. »
L’intérêt des étudiants pour les manuels numériques varie selon le domaine d’études. Les étudiants en médecine se plaignent, eux, de la rareté des manuels numériques. « Chaque cours a une liste de manuels suggérés, mais une minorité d’entre eux est disponible en format numérique, explique l’exécutant de l’Association des étudiantes et étudiants en médecine de l’UdeM (AEEMUM) Alain Gervais. S’ils l’étaient tous, beaucoup de gens les utiliseraient. » Que ce soit pour une question de confort en cours de lecture, de maniabilité du document ou encore d’équipement informa- tique, l’utilisation de manuels numériques n’est pas encore ancrée dans les habitudes des étudiants.
Une adaptation pédagogique
Les maisons d’édition doivent donc innover dans la forme des manuels numériques. « Nous devons commencer à penser la conception de certains titres à l’extérieur du modèle traditionnel linéaire », reconnaît Mme Brousseau. Un constat que partage M. Vitali Rosati. « Nous sommes habitués à structurer notre pédagogie de façon linéaire, c’est-à-dire chapitre par chapitre, ce qui rend le parcours pédagogique clair et facile », admet-il. Le passage aux manuels universitaires numériques amène donc un changement de méthode de travail chez les professeurs, qui doivent s’adapter à la structure de ce format, différente de celle du format papier.
Les maisons d’édition, telles que les PUM ou encore Gallimard, cherchent à développer le format numérique en proposant plus que de simples copies des manuels papier. Cependant, la formule idéale n’est pas encore au point. «Nous sommes en pleine phase transitionnelle, les modèles sont loin d’être établis», précise Mme Brousseau. Une phase transitionnelle qui explique la faible popularité des livres en format numérique, qui représentent seulement 3 % des ventes de la maison d’édition Gallimard.
M. Vitali Rosati définit un modèle qu’il qualifie d’hybride et qui est en cours d’élaboration, notamment avec les PUM. Sa sortie est prévue pour l’automne prochain. « Ce modèle hybride combinera une version courte en format papier avec une version numérique qui viendra l’augmenter avec des tutoriels et des exercices ».
La question du coût
Pour s’imposer, les manuels numériques doivent aussi être avantageux pour les finances des étudiants. Les PUM ont une politique particulière quant à la vente de manuels numériques. « Nous vendons systématiquement nos livres numériques 50% moins cher que le prix de la version papier », annonce Mme Brousseau. Ce choix n’est cependant pas généralisé chez toutes les maisons d’édition. « Le problème pour les éditeurs est qu’ils perdraient beaucoup d’argent dans ce cas, explique M. Vitali Rosati, car les nouvelles éditions des manuels seraient seulement des mises à jour. Les étudiants n’auraient pas à racheter un nouveau manuel comme avec les versions papier. »
Un autre problème pour les étudiants est le fait que l’utilisation de certains manuels est limitée. « Les maisons d’édition peuvent mettre un système DRM (Digital rights management) qui bloque l’exploitation du contenu, précise M. Vitali Rosati. On ne peut ni le modifier, ni le copier, ni le revendre.» Une situation qui inquiète l’AEEMUM. « Si des mesures de ges- tions des droits sont implantées dans la distribution des manuels, il sera impossible de les revendre ou de le prêter à quelqu’un», déplore M. Gervais. Du côté des PUM, aucun DRM n’est installé, ce qui signifie que les contenus peuvent être copiés et partagés de manière illimitée. « Cela peut être problématique puisque cela peut diminuer les ventes », indique Mme Primeau.
Encouragés par certains professeurs, les manuels universitaires numériques ont pour- tant encore du chemin à faire. Que ce soit sur le plan du prix ou de la sécurité du contenu, les maisons d’édition vont devoir travailler avec les utilisateurs pour trouver une entente qui conviendra à toutes les parties.