Volume 20

(Crédit : Navid Moqaddam)

Le harcèlement existe aussi à l’université

Humiliations, atteintes à la réputation, abus de pouvoir, intimidations répétées… Moins connu et plus subtil qu’à l’adolescence, le problème de harcèlement pendant les études supérieures touche surtout des étudiants, mais aussi des professeurs. L’UdeM enregistre entre 150 et 200 signalements par an. Elle organise une semaine de prévention sur le campus du 11 au 14 mars. 

Lorsque Mélanie Robert a étudié l’histoire de l’art à l’UQAM, elle est devenue la tête de turc de l’un de ses professeurs. « Pendant toute la session, il faisait des blagues pleines de sous-entendus, il ignorait mes questions et il a progressivement détourné les autres étudiants de moi, raconte celle qui est aujourd’hui étudiante en journalisme à l’UdeM. Je me suis retrouvée seule, j’ai arrêté d’aller en cours et j’ai fini par faire une dépression. »

Mélanie n’a pas osé déposer une plainte à l’époque. «Le professeur, aujourd’hui à la retraite, était connu et protégé. Et puis, j’ai fini par penser que c’était moi qui avais un problème, explique-t-elle. Je réalise que c’est lui qui avait un problème. J’ai d’ailleurs entendu dire qu’il prenait une tête de turc à chaque session. »

L’histoire de Mélanie illustre bien la subtilité et la complexité du problème de harcèlement. « Les gens sont réticents à aller chercher de l’aide, non pas nécessairement par tabou, mais plutôt parce qu’ils ne sont pas toujours conscients qu’ils se font harceler », explique la chargée de projet du Kiosque de sensibilisation Écoute-Référence à l’UdeM, Émilie Champagne.

Le harcèlement engendre la confusion. Comme Mélanie, la victime pense d’abord que c’est de sa faute si le harceleur adopte un tel comportement, et elle se demande si l’interprétation qu’elle en fait est erronée. « Le harcèlement nous fait douter de ce que nous avons de plus précieux: la croyance que nos perceptions sont globalement assez justes », explique la directrice du Bureau d’intervention en matière de harcèlement (BIMH) de l’UdeM, Pascale Poudrette. Pour elle, ce mécanisme de mise en doute de soi-même est l’une des pires conséquences du harcèlement psychologique. « Si tu ne peux plus te faire confiance, t’es dans le trouble ! » s’exclame- t-elle.

Rejet de la différence

Le harcèlement se produit également entre étudiants, et le fait d’être différent des autres est souvent une des premières causes. « J’appelle cela la théorie du clou qui dépasse, ajoute Mme Poudrette. Dès qu’on a une caractéristique qui nous distingue de la masse, on est sujet à se faire taper dessus comme un clou qui dépasse.» Le harcèlement psychologique à l’université s’exerce toutefois sous une forme plus subtile qu’à l’école secondaire. «Le phénomène de gang et la pression des pairs jouent moins à l’université », explique-t-elle.

La directrice du BIMH, qui reçoit entre 150 et 200 signalements d’allégations de harcèlement par an, cite l’exemple d’un travail d’équipe comme situation classique où se produit du harcèlement. « Parce qu’il souffre d’un déficit d’attention ou qu’il est moins rapide qu’un autre, un membre de l’équipe est isolé, détaille-t-elle. On fait des insinuations répé- tées à son égard ou on oublie de le convier à une réunion de travail. » Elle mentionne aussi l’existence du « syndrome de la belle fille ». Par jalousie des étudiants peuvent mettre de côté une autre étudiante, qui est particulièrement jolie et brillante, ou porter atteinte à sa réputation.

Les cycles supérieurs plus touchés

Selon la bénévole du Kiosque de sensibilisation Écoute-Référence à l’UdeM Charlie Rioux, « le harcèlement peut aussi se voir aux cycles supérieurs alors qu’un superviseur de thèse harcèle un étudiant ». Un constat que confirme Mme Poudrette. « Il y a une possibilité de conflits importants aux cycles supérieurs, car une relation de dépendance se crée». Le superviseur a besoin de l’étudiant pour faire avancer ses recherches et l’étudiant a besoin du superviseur pour la réussite de sa maîtrise ou de son doctorat. Dans ce cas, le harcèlement peut prendre diverses formes : abus de pouvoir, demandes démesurées, propos à connotation sexuelle.

Le contraire peut aussi se produire. Des professeurs et chargés de cours peuvent être victimes d’étudiants insistants qui les talonnent pour faire changer le résultat d’un de leur examen, par exemple. «Mais c’est certain que l’étudiant est plus souvent dans une position de vulnérabilité que le professeur », nuance Pascale Poudrette. Dans des programmes où la compétition est élevée, comme en musique ou en médecine, le risque de harcèlement est plus grand.

C’est notamment pour sensibiliser la communauté étudiante au harcèlement que les kiosques Écoute-Référence ont été mis sur pied. Il s’agit de sensibiliser les étudiants victimes de harcèlement, mais aussi ceux qui sont harceleurs sans le savoir. Des étudiants bénévoles sont formés pour écouter, donner de l’in- formation et adresser les étudiants à d’autres ressources, notamment vers le BIMH. Ce dernier offre un service confidentiel. Si les victimes ne souhaitent pas d’intervention du BIMH, il n’y en aura pas. Dans ce cas, des ressources sont mises à la disposition des étu- diants pour les aider à gérer la situation par eux-mêmes.

Lors de la semaine de prévention du harcèlement organisée à l’UdeM du 11 au 14 mars, des kiosques Écoute-Référence seront installés les 11 et 12 mars au deuxième étage du pavillon Jean-Brillant, le 13 mars au pavillon Marie- Victorin et le 14 mars au pavillon André- Aisensdadt. 

 

QUE FAIRE EN CAS DE HARCÈLEMENT ?

• prenez au sérieux ce que vous venez d’entendre ou de voir;

•dites clairement à la personne concernée que son comportement était inopportun;

• conservez tout élément de preuve ;

•parlez-en à quelqu’un en qui vous avez confiance ou aux étudiants des kiosques écoute-référence;

• consultez le BMIH, vos directeurs de département, votre syndicat et votre association étudiante. 

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