Le recteur de l’UdeM et vice-président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités québécoises (CREPUQ), Guy Breton, assure qu’une modulation des frais de scolarité permettra de rendre accessible la formation universitaire aux étudiants talentueux. Il espère que les organisations étudiantes feront preuve d’ouverture lors du Sommet sur l’enseignement supérieur.
Quartier Libre : À quoi ressemblerait le système universitaire idéal selon vous ?
Guy Breton : Je pense qu’il faudrait convenir d’un système amélioré dans lequel tous les jeunes québécois qui ont le talent et l’envie aient accès à un système de qualité pour les former aux mêmes standards qu’ailleurs dans le monde. Il faut que ce système soit accessible à tous ces jeunes quelque soit leur niveau socio-économique ou leur provenance géographique.
Q. L. : Quels seraient les critères de réalisation d’un tel système ?
G. B. : La qualité, la comparaison de la qualité, l’accessibilité à toutes les couches sociales et à toutes les provenances géographiques sont les principaux éléments de l’équation. C’est une question de talent, mais également une question de besoin. Il y a des gens qui ne veulent pas faire d’études universitaires, cette dimension est à prendre en compte. Je reconnais qu’il faut scolariser le plus personnes possibles, mais c’est faux de penser que nous aurons un jour 100 % de la population qui sera diplômée.
Q. L. : En quoi un scénario de modulation des frais de scolarité par rapport au coût de la formation ainsi qu’aux perspectives de revenus après les études est-il justifiable ?
G. B. : Le cegep équivaut à la première année universitaire dans le reste du Canada et cette part de financement est assurée par le gouvernement. Ce système nous assure des frais universitaires les plus bas au pays. Le gouvernement fait un bout de chemin, j’estime alors que les étudiants doivent faire leur part également. C’est dans ce contexte que je parle de modulation.
J’aimerais qu’à l’instar des grandes universités américaines, nous puissions dire à ceux qui ont le talent mais pas l’argent que l’on va payer pour eux. Ceux qui ont le talent et l’argent paieront en partie pour constituer la cagnotte que nous utiliserons pour aider ceux qui n’ont pas les moyens. Comme une sorte de solidarité sociale avec les pairs de la même génération.
Q. L. : Dans quels programmes pourrait-on s’attendre à ce que la modulation s’applique à l’UdeM?
G. B. : La modulation s’appliquerait uniquement aux programmes dont la formation est très élevée et où les perspectives de revenus sont plus élevées comme en médecine ou en dentisterie. Ce ne serait pas directement proportionnel au coût de la formation. Par exemple, malgré le prix élevé d’une formation en médecine vétérinaire, les perspectives de revenus sont moindres par rapport à la médecine humaine. De même, la formation en musique coûte cher, car ce sont des cours particuliers. Mais je serai gêné de majorer les frais de scolarité pour ces programmes seulement parce qu’ils coutent chers. Nous ne voulons pas qu’il y ait 400 tarifs à l’université, mais 4 à 5 tarifs comme dans le reste du Canada.
Q. L. : Quel autre paramètre faudrait-il faire entrer dans l’équation pour aider ces étudiants à s’acquitter de frais modulés ?
G. B. : La participation du reste de la société à ce processus est essentielle. Quelque chose doit être faite au niveau des entreprises et notamment à travers l’exercice philanthropique. Prenons les grandes universités américaines comme Harvad ou Princeton. Dans leur bas de laine, ils ont un million de dollars pour chaque étudiant inscrit. Ils peuvent, grâce à ce million, générer des revenus et des bourses année après année et exonérer les étudiants talentueux qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires. À l’UdeM, nous avons 3 000 $ pour chaque étudiant.
Q. L. : Pensez-vous qu’il faudrait repenser le système de prêts et bourses ?
G. B. : Une bonification du programme de prêts et bourses serait incontournable. Aujourd’hui, un étudiant est qualifié d’autonome à partir de 90 crédits obtenus à l’université. En médecine, un étudiant obtient 90 crédits au bout de la deuxième année d’études, donc dès la troisième année il peut se prévaloir de prêt et bourse. Or, je sais que la moitié de ces étudiants proviennent de milieux favorisés et n’ont pas besoin de prêts et bourses. Parallèlement, 30 à 40 % des étudiants en médecines, remboursent leurs prêts dans la première année après leurs études. Ça me choque et on devrait se demander si c’est la meilleure méthode. Les familles de ces étudiants favorisés ne pourraient pas soutenir plus longtemps leurs enfants pour que l’argent soit redistribué au profit des familles qui n’ont vraiment pas les moyens ?
Q. L. : Que pensez-vous de la proposition du gouvernement d’indexer les frais de scolarité ?
G. B. : C’est mieux que rien, mais une augmentation de 2 à 3 % des frais de scolarité ne réglera pas le problème. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’amener toutes les propositions sur la table et de définir ce que nous voulons. L’indexation ne nous permettra pas d’atteindre notre objectif d’un système universitaire de qualité et accessible à tous. Mais nous devons analyser toutes les propositions et prouver qu’elles seraient efficaces ou non avant de les mettre de côté. Ce dont je suis sûr, c’est que je ne serai pas capable de maintenir le niveau d’excellence à l’UdeM avec les moyens de financements actuels.
Q. L. : Craignez-vous que les étudiants ne relancent un mouvement comme celui du printemps dernier si la modulation est le moyen choisi par le gouvernement pour assurer le financement des universités ?
G. B. : Je serai déçu qu’ils réagissent de cette façon et ce serait, selon moi, un échec pour le Sommet. Qu’ils rejettent tout ce qui ne fait pas leur affaire, ce n’est pas une façon de faire. Je pense qu’il faut regarder calmement ce que nous voulons et comment nous pouvons y parvenir. Il faut être capable de tourner la page. Je suis capable d’admettre que je me suis trompé, mais il faut qu’on me fasse la démonstration que je me suis trompé.