Le 5 décembre dernier, le Commissaire à la santé et au bien-être, Robert Salois, a déposé un rapport à l’Assemblée nationale recommandant un accès universel à la psychothérapie. Il presse le gouvernement d’améliorer l’accessibilité aux soins et services en santé mentale, et propose que le coût des visites chez le psychologue soit acquitté avec la carte d’assurance-maladie. Une mesure qui pourrait venir en aide à de nombreux étudiants alors que le centre de consultation psychologique de l’UdeM ne permet pas de répondre à la demande.
Les étudiants sont particulièrement touchés par le problème de l’accessibilité financière des psychothérapies. Avec des coûts s’élevant en moyenne de 80 à 120 $ par séance, la plupart d’entre eux n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un psychologue en cabinet privé. Pourtant, 80% des troubles mentaux apparaissent avant l’âge de 25 ans selon le rapport de M. Salois.
« J’ai voulu consulter en début d’année et me suis retrouvée dans la même impasse que plusieurs étudiants avec un maigre budget, raconte Isabelle*, étudiante à l’UdeM. Pourtant, je sentais, à la fin de mon bac, que c’était un moment clé pour entreprendre un retour sur certaines choses de mon passé. » Après avoir entrepris des démarches auprès de l’école, elle a été ravie d’apprendre que l’UdeM offrait à ses étudiants des services psychologiques au tarif de 20 $ par séance pour les dix premières et de 30 $ pour les dix suivantes. Les assurances maladie de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM) et de l’Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l’éducation permanente de l’UdeM (AGEEFEP) remboursent 12 $ sur les 12 premières séances.
Si quelques universités offrent des soins presque gratuits à leurs étudiants, elles ne peuvent pas toujours répondre à une demande qui ne cesse de grandir. À l’Université McGill, la clinique de santé mentale de l’établissement a reçu en 2012 deux fois plus de visites qu’il y a cinq ans, selon un article du Globe and Mail paru le 2 décembre dernier. À l’UdeM, le Centre de santé et de consultation psychologique (CSCP) a effectué 10000 entrevues individuelles l’an dernier.
« Ce nombre ne reflète pas les besoins des étudiants. Nous ne parvenons pas à répondre à la demande car nos budgets n’ont pas augmenté », explique le psychologue et coordonnateur du CSCP, Daniel Moisan. Il est cependant souvent nécessaire d’attendre plusieurs semaines avant de pouvoir commencer une thérapie. « Cela m’a pris beaucoup de temps avant de m’admettre que j’avais besoin d’aide, raconte Frédérique*, qui a connu un épisode de dépression il y a deux ans. Quand j’ai finalement eu le courage de faire appel au CSCP, on m’a demandé, lors du rendez-vous d’évaluation, si c’était urgent. J’ai dit non. J’avais honte.» Frédérique a dû attendre dix semaines avant que la thérapie ne débute effectivement.
20 séances maximum
Si les tarifs du CSCP sont avantageux, la consultation psychologique est limitée à vingt séances. Selon M. Moisan, ce nombre de consultations répond au besoin de la majorité des étudiants «L’impact d’un suivi peut être très favorable même s’il ne dure que 10 ou 12 séances, explique-t-il. Les rencontres avec le psychologue n’ont pas forcément besoin d’être hebdomadaires si l’étudiant souhaite être suivi plus longtemps. Et, nous préparons toujours la fin de la thérapie, en dirigeant au besoin l’étudiant vers un autre service, à l’extérieur de l’Université.» La limitation du nombre de consultations et les longs délais d’attente peuvent amener un étudiant à se diriger vers le privé. C’est le cas de Marie-Ève*, pour qui la médication à elle seule ne suffisait pas à guérir ses dépressions et son anxiété. «Je traînais un mal-être depuis très longtemps, confie-t-elle, ma détresse n’était pas due à un événement ponctuel, comme un deuil ou une séparation, mais plutôt à un parcours plus ou moins difficile durant l’enfance.» Le nombre de séances limité du CSCP lui a fait opter pour une consultation en bureau privé. «Je ne voulais pas m’ouvrir à un psy et devoir me tourner vers un autre une fois les vingt rencontres écoulées », précise-t-elle.
Celle qui a payé son traitement entre 2500 et 3000 $ par an avec sa marge de crédit ne regrette en rien sa démarche. « Aujourd’hui, je me sens mieux, j’ai repris le dessus, réglé des choses du passé et j’ai de nouveau des projets qui vont bon train, s’enthousiasme Marie-Ève. Je suis épanouie et je le dois à ma psychothérapie.» Pour Isabelle, Frédérique et Marie-Ève, la proposition du Commissaire à la santé et au bien-être de rendre les consultations chez le psychologue gratuites est une excellente nouvelle.
«L’assistance psychologique est une chose bénéfique qui n’est aucunement honteuse et qui se doit d’être accessible», affirme Isabelle. La mise en pratique de la recommandation de M. Salois ne résoudrait pourtant pas l’ensemble du problème de l’accessibilité aux consultations psychologiques. «En Australie [dont le rapport de M. Salois s’inspire], le nombre de rencontres gratuites avec un psychologue est plafonné», rappelle M. Moisan.
La présidente de l’Ordre des psychologues du Québec a demandé par communiqué au ministre de la Santé Réjean Hébert d’agir rapidement afin de mettre en application les recommandations du Commissaire. Pour le moment, il est impossible de savoir si ces recommandations verront le jour, mais le ministre a promis que le rapport de M. Salois fera l’objet d’une analyse sérieuse.
* Ces noms ont été modifiés pour préserver l’anonymat.
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Des besoins importants en santé mentale
Près d’un Québécois sur quatre a un indice de détresse psychologique élevé selon l’Association canadienne pour la santé mentale, et c’est la Belle Province qui enregistre le plus haut taux de suicide au pays.
75 % des Québécois choisiraient la psychothérapie s’ils faisaient une dépression, et seulement 6 % de la population opteraient pour les antidépresseurs comme seul traitement, selon un sondage réalisé pour le compte de l’Ordre des psychologues du Québec. Dans la réalité, environ 80 à 90 % des patients souffrant de troubles anxieux et dépressifs ne reçoivent que des médicaments comme seul traitement.