La vie des étudiants est un essai sur la vie universitaire écrit par Walter Benjamin, un philosophe allemand, il y a presque cent ans. Alors que le débat actuel sur les frais de scolarité s’articule surtout autour de la question de l’accessibilité, le texte sert à animer des discussions entre des étudiants de l’UdeM et ramène à l’avant-plan une autre vision de l’université.
Le 11 avril dernier, le texte de Benjamin était au centre d’un séminaire non officiel tenu par l’Association des étudiants en littérature comparée (AELCUM). À voir l’effervescence des discussions entre les 15 étudiants grévistes et les deux professeurs présents, les propos du philosophe allemand affilié à l’École de Francfort sont encore d’actualité.
La Créativité s’oppose au Métier
Plusieurs extraits de l’œuvre évoquent les discours des partisans du pour ou du contre la hausse des frais de scolarité.
Selon Jolianne Bourgeois, l’étudiante qui a organisé l’évènements, on y trouve des enjeux d’actualité, comme l’instrumentalisation du savoir au service de l’économie: «Le texte soulignait déjà à l’époque, qu’il y a une radicale séparation entre l’université dans son rôle créateur, c’est-à-dire son rôle de forger l’esprit du temps, et celui de préparer les étudiants pour exercer des professions. »
Des organisations étudiantes d’une autre époque
Pourtant, le texte n’est pas tout à fait complaisant avec le discours du mouvement étudiant au Québec. En 2012, le véritable cheval de bataille des Fédérations étudiantes est l’accessibilité. Ce rôle de « transformateur» de l’université est donc relégué au second plan.
Selon Benjamin, pour résoudre la crise universitaire, il faut surmonter « l’incapacité des étudiants, en tant que communauté, à poser en elle-même la question de la vie scientifique et de saisir son irréductible protestation contre la vie professionnelle d’aujourd’hui ».
Samuel Dischaw, étudiant en littérature comparée, tente d’imaginer le mouvement étudiant d’aujourd’hui confronté aux circonstances à l’époque de Benjamin. Il constate que la question d’accessibilité est anachronique : « En 1913, les enjeux [d’accessibilité] ne faisaient pas partie du rôle de l’université. »
Alors, à quoi bon l’accessibilité, si les universités québécoises ne sont plus en mesure de remplir leur mission sociale de «transformateur » ? « À long terme, c’est ça, le défi du mouvement étudiant : retravailler son discours pour mettre de l’avant le rôle fondamental des universités, sans entrer en contradiction avec le rôle de justice [et de mobilité sociale] », ajoute l’étudiant.
Extrait de La vie des étudiants (1913) de Walter Benjamin : « Le monde estudiantin devrait être considéré comme le grand transformateur […], le haut lieu d’une révolution permanente de l’esprit. » « Cette dénaturation de l’esprit créateur en esprit de métier, que nous voyons partout à l’œuvre, a envahi et domine tout l’ensei- gnement supérieur. »