Campus

Du pétrole s’abat sur le pavillon Roger-Gaudry

Après deux semaines à coller des affiches sur le campus et à distribuer des tracts pour sensibiliser la communauté universitaire au désinvestissement des énergies fossiles de l’UdeM, L’Écothèque et le Comité de désinvestissement sont arrivés au point culminant de leur engagement : une manifestation sous les fenêtres du bureau du recteur de l’Université, Daniel Jutras.

L’événement s’est tenu sous la surveillance d’agents du SPVM pour assurer la sécurité, selon la responsable des relations média de L’Écothèque, Éloïse Cauchy-Vaillancourt. Elle soutient avoir dénombré 12 voitures de patrouille sur le boulevard Édouard-Montpetit ou aux abords du pavillon Roger-Gaudry, une information que n’a pas été en mesure de vérifier Quartier Libre. Des membres de l’Écothèque ont tout de même photographié une file d’au moins huit voitures du SPVM stationnées sur le boulevard Édouard-Montpetit.

Des policiers du SPVM étaient présents sur les lieux pour éviter tout débordement. Photo : Paul Fontaine.

« L’UdeM ne dépêche pas la police ni ne mandate des policiers de quoi que ce soit », déclare la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara. Elle souligne que l’établissement universitaire, à l’instar d’autres grandes organisations de la Ville de Montréal, entretient des liens avec le SPVM et l’informe des événements qui ont lieu sur le campus en dehors du cadre normal des activités d’enseignement et de recherche. La porte-parole de l’Université donne l’exemple, entre autres, des matchs des Carabins, des conférences de presse, de la présence de politiciens et des diverses manifestations. Elle ajoute que le déploiement des forces policières relève du SPVM et que l’UdeM n’a aucun contrôle sur ce type de décision. « Hier, à notre connaissance, il y avait une autopatrouille du SPVM aux abords de Roger-Gaudry », précise-t-elle.

L’image de l’UdeM visée

« L’idée, c’est de rejoindre la seule chose qu’il nous est possible de rejoindre : l’image de l’Université, explique l’étudiant au baccalauréat en science politique et membre du regroupement L’Écothèque Quentin Lehmann. Elle montre une image très environnementale et écosociale, mais derrière ses belles paroles, elle continue à investir dans les énergies fossiles. » La somme investie par l’Université, qu’elle provienne de son fonds de dotation ou du régime de retraite, était évaluée à 131,8 millions de dollars en 2015.

Quelques minutes après le début du rassemblement, initialement prévu à 16 h 15, des banderoles aux slogans alarmants ont été déployées : « Tout va bien aller brûler » ou encore « L’UdeM investit dans ton avenir ». Après plusieurs discours tenus par des membres de L’Écothèque, un mélange de savon noir et de sable a été répandue sur les marches de l’entrée du pavillon Roger-Gaudry afin de symboliser un déversement de pétrole.

Une centaine d’étudiant·e·s ont pris part à la manifestation. Photo : Paul Fontaine

La foule était principalement composée d’étudiant·e·s, mais des groupes militants, comme la Riposte socialiste et Extinction Rebellion, ont aussi pris part à l’événement. Des associations étudiantes de l’UdeM étaient également présentes sur les lieux, dont l’Association étudiante en anthropologie et l’Association générale des étudiants et étudiantes en psychologie et neuroscience cognitive (AGÉÉPUM). Cette dernière appuie officiellement le désinvestissement de l’Université dans son cahier de positions, ont tenu à souligner certains de ses membres. « On est conscient que les changements dans les grandes institutions ne se font pas du jour au lendemain, mais il faut que ça devienne une priorité, ajoutent-ils, appelant à une plus large mobilisation. Ça fait longtemps qu’il est dit que ça ne se fait pas du jour au lendemain, et on reste immobile. » À ce jour, l’Écothèque a reçu le soutien de 19 associations étudiantes de l’UdeM.

Une mobilisation censurée ?

Au moins huit voitures de patrouille du SPVM étaient stationnées sur le boulevard Édouard-Montpetit en marge de la manifestation. Courtoisie Écothèque.

Au-delà de la surveillance policière lors du rassemblement, les membres de l’Écothèque ont également décrié le fait que leurs actions aient été censurées, notamment leur campagne d’affichage. L’absence de dialogue et d’écoute de la part de l’UdeM est aussi critiquée. « La seule réponse de l’Université, c’est la facture de la censure faite par la sécurité pour nos affiches collées », déclare Quentin.

« Je pense que c’est de la censure, estime pour sa part l’étudiante au baccalauréat en géographie Éléonore Dufresne. C’est spécifiquement ce message-là qui a été enlevé, versus des affiches de ventes de beignes pour la Saint-Valentin. »

« Il ne s’agit dans aucun cas de censure, mais d’un malheureux malentendu au sujet de l’application de la politique d’affichage, affirme l’Université en réponse à ces accusations. Nous nous en excusons. Les affiches qui ont été retirées n’auraient pas dû l’être. Des agents ont avisé quelques jours plus tard les responsables des associations étudiantes qu’ils étaient revenus sur leur décision et que les affiches pouvaient être installées dans leurs locaux. »

Des actions attendues

Malgré les actions répétées de L’Écothèque depuis deux semaines et la tenue de cette manifestation, l’UdeM n’a pas déclaré vouloir discuter de ces enjeux avec les militant·e·s. «Actuellement, nous n’avons pas de politique de désinvestissement du secteur des énergies fossiles pour le fonds de dotation, mais c’est un enjeu qui reste à l’étude de manière continue », atteste l’établissement.

Cette réponse est loin de satisfaire les attentes des étudiant·e·s. « Je préférerais que [le désinvestissement] se fasse dès la fin de l’année, confie l’étudiant au baccalauréat en anthropologie Samuel*. [L’Université] pourrait mettre l’argent dans d’autres investissements. J’aimerais que ce ne soit pas la seule manifestation, sinon, rien ne va changer. »

* Prénom fictif

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