Volume 28

Younes Boukala, conseiller d’arrondissement du district J.-Émery-Provost dans Lachine pour Projet Montréal. Photo : Carole Leroux.

[Dossier logement] « Le logement n’est pas un bien de consommation »

Younes Boukala est depuis 2017 le conseiller d’arrondissement du district J.-Émery-Provost dans Lachine pour Projet Montréal. Au cours de son dernier mandat, il s’est intéressé à plusieurs dossiers liés à la jeunesse. Il a également pris part à la conférence de presse du 12 août au cours de laquelle la mairesse réélue Valérie Plante s’est engagée à construire 2 000 logements étudiants d’ici quatre ans. Quartier Libre s’est entretenu avec lui sur ce sujet.

Quartier Libre (Q. L.) : Considérant que près de 100 000 étudiantes et étudiants montréalais sont locataires, que seulement 10 % du lot demeure dans des résidences universitaires* et que la crise du logement ne cesse de s’aggraver, estimez-vous que cet objectif de 2 000 logements est suffisant ?

Younes Boukala (Y. B.) : C’est effectivement l’engagement que nous avons pris et c’est sûr que nous aimerions que ce soit plus. Mais ce n’est pas la Ville de Montréal qui construit les logements abordables et sociaux. Tout ce que nous pouvons faire, c’est acheter des terrains. Ensuite, la construction et la gestion des logements sont assurées par un partenaire, souvent un organisme à but non lucratif (OBNL) avec qui nous passons une entente. Cela est permis grâce au droit de préemption [NDLR : droit de la Ville de Montréal d’acheter un terrain en priorité sur tout autre acheteur]. Pendant le dernier mandat, nous avons investi 5,9 millions de dollars dans le logement étudiant et nous avons ainsi dépassé nos cibles.

Q. L. : Ces 2 000 logements seront-ils abordables ? Si oui, le seront-ils de manière pérenne ?

Y. B. : Ce qu’on veut, c’est construire un héritage, donc des logements abordables sur le long terme. Même si la Ville ne fait qu’acheter les terrains, elle peut aussi s’assurer que les OBNL qui gèrent les logements gardent les loyers raisonnables.

Q. L. : La question de la mobilité et de l’écologie est très importante pour la communauté étudiante. À ce propos, les 2 000 logements promis seront-ils situés près des universités, des stations de métro et des pistes cyclables ? Répondront-ils à des normes environnementales élevées ?

Y. B. : Ce que nous voulons à Projet Montréal, c’est offrir plus de transports à toute la population montréalaise, pas seulement aux étudiants et étudiantes. Mais c’est certain que nous nous assurerons d’acheter des terrains dans des secteurs clés, à proximité des universités. Il faut comprendre que le logement est une compétence partagée entre les arrondissements et la Ville. Puisque nous voulons que les logements soient un héritage, nous allons nous assurer de construire des habitations durables.

Q. L. : Quelles formes ces logements prendront-ils, et selon quels critères seront-ils attribués ?

Y. B. : La construction relève des OBNL partenaires, c’est donc à eux de choisir le type de logements proposés et les critères d’admissibilité. Ces partenaires vont s’asseoir avec les associations étudiantes pour déterminer les besoins. Par exemple, au campus MIL, l’ancienne administration a commencé la construction de 95 logements étudiants abordables, mais les critères d’admissibilité sont encore à déterminer.

Q. L. : En parlant du campus MIL, l’UdeM s’est engagée à construire 1 300 logements lors de l’agrandissement du campus MIL, dont 15 % de logements abordables et 15 % de logements sociocommunautaires. Quelles mesures la municipalité compte-t-elle prendre pour s’assurer que l’UdeM respecte sa promesse et que le quartier reste abordable ?

Y. B. : Pour la promesse de l’UdeM, il s’agit d’une affaire concernant les promoteurs immobiliers et l’Université. Je ne peux pas commenter ce cas-ci. Ce qui est sûr, c’est que les promoteurs qui signent avec la Ville sont redevables, il y a des ententes légales grâce à l’introduction du Règlement pour une métropole mixte. Avant, les ententes étaient orales. Cet outil permet de garantir que chaque nouvelle construction [NDLR : celles de plus de 450 m2, soit celles qui comptent environ cinq logements ou plus] inclut 20 % de logements abordables, 20 % de logements familiaux et 20 % de logements sociaux. Ce règlement va aider à garder raisonnables les loyers des nouveaux appartements dans le quartier et à favoriser la mixité.

Q. L. : Plus près du campus de la montagne, dans le quartier Côte-des-Neiges, Projet Montréal propose de raser l’hippodrome Namur et de construire 7 500 logements, dont des logements abordables et sociaux. Cette construction inclut-elle des logements étudiants ?

Y. B. : Nous ne pouvons rien promettre. Nous allons tenter de cibler les meilleurs secteurs. L’hippodrome Namur, c’est certain que c’est un grand site, mais nous ne sommes encore sûrs de rien. Nous collaborons avec des organismes comme l’UTILE [NDLR : unité de travail pour l’implantation de logement étudiant], un OBNL qui construit des logements étudiants, pour déterminer les meilleurs emplacements.

Q. L. : Justement, l’UTILE nous indiquait que les délais administratifs pour mettre en marche ses projets sont très longs. De quelle manière Projet Montréal compte-t-il faciliter la vie de ce genre d’OBNL ?

Y. B. : En effet, le logement étudiant passe souvent sous le radar. Il n’est pas financé par le programme du gouvernement du Québec. Pour la construction, nous devons négocier des financements avec le fédéral et le provincial. Ça nous ralentit, car nous manquons de financement. Les organismes sont souvent déjà prêts. Les 302 logements étudiants construits au cours du dernier mandat l’ont été dans le cadre de deux projets développés avec l’UTILE, et que nous avons aidé à financer.

Q. L. : Sur une autre note, le jumelage intergénérationnel permet à plusieurs personnes âgées d’accueillir à prix modique un étudiant ou une étudiante. À notre connaissance, il n’existe qu’un seul service de ce type à Montréal : Combo 2 générations. Est-ce que Projet Montréal envisage de soutenir ce genre de formule, ou même de mettre en œuvre un service de jumelage intergénérationnel ?

Y. B. : C’est une belle initiative. Là, il s’agit d’une compétence des arrondissements, donc ça dépend de chaque administration locale, c’est leur responsabilité. Ce projet se passe dans Rosemont – La-Petite-Patrie, un arrondissement dirigé par Projet Montréal.

Q. L. : Vous vous êtes engagé pour la jeunesse dans votre dernier mandat en prenant part à la Commission sur la culture, le patrimoine et le sport. Vous étiez également présent lors de l’annonce de Valérie Plante sur les logements étudiants. Avez-vous comme objectif pour ce mandat de vous engager plus pour le logement, un enjeu important pour la jeunesse ?

Y. B. : Je suis fier, car je suis encore étudiant à la maîtrise [en administration des affaires à l’UQAM]. Je suis également fier de faire partie de Projet Montréal, parce que la priorité de Valérie Plante est le logement. D’ailleurs, celui-ci n’est pas un bien de consommation, c’est un droit. Il doit être sécuritaire, accessible et salubre. Personnellement, je m’engage pour le logement dans mon arrondissement à Lachine avec des projets comme la reconversion du site industriel de Lachine-Est en écoquartier. Même si ça ne concerne pas directement le logement étudiant, les étudiants et étudiantes devront chercher un logement après leurs études, alors ça concerne leur futur malgré tout.

Les différents type de logements

Logement social : logement subventionné qui ne doit pas dépasser 25 % des revenus du foyer. Il est accordé sur des critères financiers.

Logement abordable : plusieurs définitions sont retenues par la Ville de Montréal. Certaines fixent un plafond au prix du loyer en fonction de la médiane du marché, d’autres fixent ce plafond en fonction du revenu du ménage. Il est destiné à des personnes qui ne rentrent pas dans les critères d’admissibilité au logement social.

Logement étudiant : pas de définition légale. Ce type de logement est en général un logement abordable réservé aux étudiants et étudiantes ou un logement en résidence étudiante.

*Selon des résultats préliminaires de l’enquête PHARE 2021

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