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Courtoisie Marie-Thérèse Chicha : La professeure en relations industrielles, titulaire de la Chaire en relations ethniques, et également directrice de l’École d’été sur l’immigration, l’intégration et la diversité sur le marché du travail de l’UdeM.

Prix Hommage de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour une professeure de l’UdeM

Propos recueillis par Anaïs Amoros

Quartier Libre (Q.L.) : Qu’est-ce que ce prix représente pour vous ? Est-ce la consécration de votre travail ?

Marie-Thérèse Chicha (M.-T. C) : Ce prix représente beaucoup pour moi. J’ai beaucoup d’admiration et d’estime pour la Commission des droits de la personne et pour sa mission. Elle rejoint mes valeurs et mes idéaux. Recevoir ce prix de cette institution, dont les objectifs centraux sont les questions d’égalité et de non-discrimination, alors que je travaille dessus depuis des années, est extrêmement gratifiant et encourageant. Toutefois, ce n’est pas une consécration. La consécration de mon travail est de voir les avancées au sein de la société. Nous sommes très nombreux à travailler là-dessus.

QL.: Vous avez marqué le Québec avec vos travaux et particulièrement avec la Loi sur l’équité salariale. Le résultat de cette loi est-il à l’image de ce que vous espériez ?

M.-T. C. : Non, ce n’est pas complètement à l’image de ce que j’imaginais, mais c’est déjà important d’avoir cette loi, qui a eu un impact. Des résistances demeurent, notamment de la part des employeurs. Pour eux, la Loi représente une perte de pouvoir en termes de rémunération. Ils veulent garder le libre arbitre sur le système de rémunération, alors que la Loi sur l’équité salariale vient guider la suppression de discrimination en matière de rémunération et d’égalité entre les emplois à prédominance féminine et ceux à prédominance masculine. La Loi est plus efficace dans les milieux syndiqués, mais ces derniers ne représentent pas la majorité des travailleurs. On n’est pas en Suède ou dans les pays scandinaves, où 80 % des travailleurs sont syndiqués.

QL.: Quelles sont les limites de cette loi ?

M.-T. C. : La Loi n’exige pas aux entreprises de transmettre à la Commission le contenu de leur exercice salarial. Les employeurs doivent établir un rapport obligatoire, dans lequel ils mentionnent s’ils ont fait ou non l’exercice de l’équité salariale, sauf que le contenu de cet exercice est méconnu. Néanmoins, la Loi dispose aux entreprises d’afficher à l’interne les résultats de leur exercice d’équité salariale (quels emplois ont été comparés? Quels sont les ajustements salariaux qui ont été faits? Etc.). Il suffirait que les entreprises transmettent leurs résultats à la Commission pour faciliter la vérification du respect de la Loi.

QL. : La Loi peut-elle contraindre un employeur à respecter l’équité salariale ?

M.-T. C. : La Loi pose une obligation à toutes les entreprises québécoises de dix salariés ou plus. L’employeur qui ne la respecte pas est passible d’amendes qui peuvent être importantes. La Commission a des instances qui s’occupent de son application, mais à la vue du nombre élevé d’entreprises au Québec, les vérifications de l’application de la Loi sont aléatoires. Elles peuvent néanmoins être basées sur des observations qui montrent que, dans certains secteurs, l’équité salariale est moindre.

QL.: Des entreprises ont-elles déjà été contraintes de payer une amende pour le non-respect de l’équité salariale ?

M.-T. C. : La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), qui est responsable du respect de l’équité salariale, a un processus de conciliation efficace. Celle-ci permet d’éviter les sanctions et pénalités pour les employeurs qui n’auraient pas observé tous les paramètres que la Loi impose ou qui auraient fait des calculs expéditifs.

QL.: Que manque-t-il pour que le Québec soit plus paritaire et plus égalitaire dans le domaine de l’emploi ?

M.-T. C. : Certains milieux de travail ne sont pas accueillants pour les femmes. Les métiers de la construction, par exemple, connaissent un tel taux de harcèlement sexuel et psychologique, que les femmes ne restent pas dans le domaine. Il reste encore beaucoup à faire. Dans le milieu universitaire aussi, les professeurs hommes sont majoritaires, bien que la situation évolue.

De plus, tant que la discrimination systémique existe, il y aura des barrières et des idées préconçues sur les capacités des femmes d’être dirigeantes, sans oublier les minorités physiques, les personnes en situation de handicap, les personnes autochtones, etc.

QL.: Vous êtes considérée comme une experte en matière de politique de parité et d’égalité à l’international. Le Québec est-il à l’avant-garde de ces enjeux à l’international ou existe-t-il d’autres modèles ? Vous avez mentionné la Suède comme exemple, faut-il s’en inspirer ?

M.-T. C. : Le Québec est considéré comme plus avancé que la Suède en termes d’équité salariale. La loi québécoise est à l’avant-garde de toutes les autres lois sur l’équité salariale. En travaillant pour l’Organisation internationale du travail, j’ai pu donner des formations à partir des travaux que j’ai pu faire dans différents pays et notamment répandre le modèle de la loi québécoise.

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