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Entre rêves et cauchemars

Quartier Libre : Comment fait-on pour analyser les rêves ?

Tore Nielsen : C’est un créneau particulier, dans le sens où on fait l’interprétation des rêves, mais pas la psychothérapie par les rêves. Nous avons un laboratoire avec lequel on va mesurer le sommeil avec la polysomnographie. C’est-à-dire qu’on pose des électrodes sur le crâne et sur le visage, pour mesurer les mouvements oculaires.
On veut aussi mesurer les électroencéphalogrammes (EEG) sur certains muscles. On s’intéresse à la mesure de mouvements très subtils durant le sommeil, comme les gémissements, les mouvements du visage et le rythme cardiaque. C’est une approche assez standard pour déterminer les différents stades de sommeil du patient et pour savoir quelles ondes de quelles régions du cerveau sont liées au rappel de rêve, soit la capacité du patient à se rappeler de son rêve.

Q. L. : Pourquoi est-ce difficile de se souvenir de nos rêves le matin ?

T. N. : Il y a plusieurs facteurs qui influencent si on se souvient ou non de nos rêves. Ça dépend, entre autres, du stade où l’on se réveille. Si, par exemple, on dort six heures ou moins, on risque de se réveiller dans le non-MOR (mouvement occulaire rapide). Et si on se réveille dans cette période-là, on a plus de misère à se rappeler de ses rêves. Si on veut vraiment augmenter le rappel des rêves, je conseille au patient de dormir une demi-heure de plus ou de moins, pour se réveiller dans une période de MOR. Au laboratoire, on réveille les patients en MOR et 90 % du temps, ils se souviennent très bien de leurs rêves.

Q. L. : Considérez-vous les cauchemars comme une maladie ?

T. N. : Je fais souvent l’analogie avec la douleur : si on a une douleur au dos, est-ce que c’est une maladie ? Ça peut être une maladie si ça interrompt les activités. C’est la même chose pour les personnes qui font des cauchemars. Il existe des cas de stress post-traumatique. Il s’agit des gens ayant subi un trauma et qui en font un cauchemar récurrent. Ceux-là ont besoin d’un traitement. Il y a tout un spectre entre cauchemars quotidiens et cauchemars post-traumatiques. Certains ne veulent pas traiter leur cauchemar, parce que c’est une source d’inspiration pour leur métier. Les artistes, les écrivains aiment leurs cauchemars bien qu’ils les dérangent.

Q. L. : Dans le futur, sera-t-il possible de voir les rêves d’une personne ?

T. N. : Je n’exclurais pas cette idée-là. Il y a 20 ans, j’aurais trouvé ça complètement farfelu. Aujourd’hui, les études de certaines équipes au Japon ont développé une machine qui lit les signatures d’ondes et utilise l’intelligence artificielle pour associer ces signatures d’ondes avec des images. Donc, ils [ces équipes] seraient capables de prendre un rêve, et la machine lirait les signatures d’ondes pour afficher les images associées. Peut-être qu’un jour, on va avoir une telle précision pour avoir au moins une bande dessinée.

Q. L. : Rêve-t-on différemment selon notre culture ?

T. N. : On a fait une étude qui porte sur la question culturelle, c’est l’étude des rêves typiques. C’est surprenant, mais les gens de cultures différentes vont faire les mêmes sortes de rêves. L’exemple le plus commun, c’est d’être poursuivi ou d’être chassé par quelqu’un. On ne sait toujours pas pourquoi. Est-ce que c’est physiologique, génétique ou est-ce que les gens passent à travers des repères semblables ? Peu importe la culture, ça reste à déterminer.

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