Campus

Crédit Photo : Benjamin Parinaud

Tenue correcte exigée

«Si on avait été habillées normalement, ça aurait été un financement normal, affirme Maude. Mais marcher en jupe courte en hiver avec des pompons dans un restaurant, ce n’est pas tant régulier.» L’évènement en question consistait à vendre des moitié-moitié** dans certains restaurants La Station des Sports et La Cage aux Sports. Il a été organisé par les Carabins dans le cadre d’une campagne de financement hors campus des équipes*** de cheerleading, le 4 février 2018, à l’occasion de la finale du championnat américain de football.

« Ils nous disent que c’est familial, mais je ne suis pas sûre d’avoir vu des enfants », révèle-t-elle. Maude, qui s’était inscrite de son plein gré pour cette activité, décide finalement de ne plus participer, après avoir pris connaissance des modalités de l’évènement.

Argumentation concernant la tenue

À la suite de désistements de certains membres, des messages sont adressés à l’ensemble de l’équipe sportive sur son groupe Facebook. « C’est là qu’ils nous ont écrit que si on mettait des photos en bikini sur Instagram, on était capables d’aller faire cette soirée-là sans chialer », dévoile Maude. Les messages, que le journal a en sa possession, laissent présumer que l’activité est, sinon obligatoire, activement suggérée.

Pour l’une des membres de l’encadrement de l’équipe, la tenue ne semble pas poser de problème. « Le port de l’uniforme est obligatoire, et en étant adulte et en ayant de la classe, tout va bien se passer », écrit-elle sur le groupe Facebook.

Une athlète de l’équipe abonde dans le même sens, dans un message adressé sur une conversation de groupe privée, auquel Quartier Libre a eu accès, concernant l’évènement du Superbowl. « On s’habille comment ? Uniforme bleu, le classique, qu’on met dans les premiers runs (chandail et jupe) […] cheveux lousses de préférence, mais vous pouvez mettre une couette. Soyez belles, chixez-vous ! Et le plus important… les pompons !!! » écrit-elle.

Financer son année

L’évènement du Superbowl entre, en théorie, dans la catégorie des activités facultatives. Pourtant, Maude dit s’être sentie forcée d’y participer. « J’ai trouvé ça exagéré, dit-elle. Et je ne voyais pas le lien avec le fait de nous obliger à aller quelque part, alors que c’était pour notre financement personnel. »

Les étudiantes qui choisissent de faire partie de l’équipe de cheerleading doivent payer 650 $ par saison. À cela s’ajoute 250 $ qu’elles ont le choix de payer ou de financer grâce à ce type d’activités, détaille l’ancienne cheerleader des Carabins. « Si ça me tente de payer 250 $, c’est mon choix, pas le leur », insiste-t-elle.

Pression sociale

Dans un message posté sur la page Facebook, une membre de l’encadrement tente de convaincre les réticents, en jouant sur la pression du groupe. « C’est organisé par vos coéquipiers, donc s’il vous plaît, ayez un peu de respect envers eux », publie-t-elle.

Maude a discuté de la situation avec deux amies pour qui le ressenti fut le même. Dans leurs échanges privés, auxquels Quartier Libre a eu accès, l’une d’entre elles évoque son incompréhension d’être forcée à participer et sa peur de devoir y aller vêtue en tenue de compétition. La seconde désapprouve l’évènement, mais n’ose pas en parler aux responsables de l’encadrement, dont elle craint la réaction. « J’avais plus peur pour les trucs externes que pour le sport en tant que tel », confie Maude.

Sur la question du choix des athlètes de participer ou non aux activités de collecte de fonds, l’entraîneure-chef, Karolane Landry, est claire. « Les évènements qui sont reliés au Cepsum ou à l’UdeM sont obligatoires la majorité du temps, informe-t-elle. Les athlètes représentent leur école et font partie des Carabins, donc c’est important pour moi qu’ils participent aux activités. » Pour tout ce qui est corporatif et en dehors du cadre universitaire, souvent, la participation de l’équipe complète n’est pas exigée, souligne Mme Landry. Une position détaillée par l’administration des Carabins (voir encadré Contrat Carabins).

Une soirée organisée par les Carabins

« Ce sont eux [les Carabins] qui sont arrivés avec le concept monté, clef en main », se souvient le coordonnateur marketing de l’entreprise propriétaire des bars La Station des Sports, Yanick Proulx. Il ajoute que les modalités de l’évènement, à savoir le nombre de filles par restaurant ainsi que leur tenue vestimentaire, ont été décidées par les Carabins et par la Station des Sports.

Selon Maude, le soir de l’évènement, un groupe de cheerleaders (les groupes sont composés de quatre à cinq athlètes), sur un minimum de sept groupes participant, a été victime de commentaires déplacés.

Quartier Libre a cherché à rejoindre une athlète de l’équipe impliquée dans l’organisation de l’activité du Superbowl. Cette dernière, au départ encline à en discuter, a fait marche arrière sur ordre d’une membre de l’encadrement.

Une fin gâchée

À la suite de cet évènement, Maude a décidé de quitter l’équipe. « Moi, c’est ça qui m’a donné envie d’arrêter, regrette-t-elle. Parce que je n’avais pas envie de revivre ça. » Elle admet repenser de temps en temps au cheerleading mais elle ne désire pas réintégrer une équipe universitaire un jour.

L’ancienne cheerleader des Carabins a, dans un premier temps, écrit une lettre à la rédaction, avant de se confier à Quartier Libre. « Ça m’a fait du bien d’écrire cette lettre, mais le but, c’est surtout de protéger les autres, avoue-t-elle. J’aimerais surtout que ça n’arrive plus. »

Avec la collaboration de l’équipe de rédaction.

5


* Prénom fictif.
** Billets vendus aux clients du bar, dont la moitié est mise en jeu pour un tirage au sort et l’autre moitié revient aux athlètes.
*** Les cheerleaders sont divisés en deux équipes. All Girl (AG) est composée uniquement de fille et l’équipe COED est mixte.

 

Partager cet article