Débats

Paroles, paroles

Une femme voilée pour marquer ce numéro spécial de Quartier Libre. Un choix audacieux pour certains. Convenu pour d’autres.

Sauf que ce n’est pas le voile qui importe sur cette photo. Alors oui, on le voit, il est présent. Comme une kippa chez un juif ou un dastar chez un sikh. Non ce qui importe ici, c’est le choix qui pourrait s’imposer à cette étudiante d’ici quelque temps. Si la CAQ tient sa parole, elle devra choisir entre sa foi et son avenir professionnel. Une décision à laquelle les deux étudiantes interrogées semblent avoir répondu depuis un moment (p. 10-11).

Les chiffres sont difficiles à obtenir concernant le nombre de personnes touchées par cette éventuelle loi, mais selon le recensement de 2011, si l’on regroupe les musulmans, les juifs et les sikhs, on arrive à un gros 4,3 % de la population*. En comptant uniquement les personnes concernées par cette loi, le chiffre devient risible. Il s’agit d’un rire jaune. Celui qui te fait te demander comment on peut donner autant d’importance politique et médiatique à un sujet dont on ne devrait même pas parler.

Alors pourquoi la CAQ s’évertue à statuer là-dessus ? Une personne affichant un signe distinctif de sa religion aurait moins de crédibilité à incarner l’autorité ?

Legault et son équipe semble avoir oublié le fameux adage « L’habit ne fait pas le moine ». Comme le rapporte le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette, aucun enseignant portant un signe religieux n’a encore transformé ses cours en ateliers de prosélytisme. C’est ce genre de réforme qui renforce les clichés et la crainte de l’autre.

Peut-être que la volonté de plaire à une partie de son électorat s’est avérée trop forte ? La position de la CAQ a depuis légèrement changé**, en attendant la suite…

Changer les règles

On ne trouve pas que ce type de proposition dans le programme de la CAQ. Legault et son équipe ont signé une entente, avec trois autres partis, en promettant de passer du scrutin actuel*** à un scrutin proportionnel mixte (p. 12).

La CAQ se tire une balle dans le pied en faisant ça. Le modèle actuel lui a permis d’obtenir un gouvernement majoritaire. L’importance des petites circonscriptions, comparativement aux grandes villes, a consolidé sa victoire. Mais une parole est une parole, n’est-ce pas ?

Faire la différence

On s’est demandé si cette réforme plus égalitaire donnerait envie aux jeunes de voter. Ce sont eux qui peuvent faire la différence au cours de prochaines élections. Pas qu’à l’échelle électorale d’ailleurs. Devant l’inaction des politiciens à faire évoluer la cause environnementale, les étudiants peuvent faire pression sur leurs futurs employeurs (p. 8).

Il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas en comptant sur les générations qui ont grandi avec le concept de croissance comme socle fondamental de la réussite que les choses évolueront. La question de la décroissance était déjà posée par Quartier Libre en 2004 (p. 9). Près de 15 ans plus tard, les avis des experts interrogés n’ont pas vraiment changé. Entre pessimisme et froide réalité, ce retour en arrière nous renvoie à nos propres faiblesses, et le constat est amer.

* Selon les chiffres de Statistique Canada de 2011. ** Le Devoir, « Signes religieux : la CAQ se dit prête à reconnaître un droit acquis », 9 octobre 2018. *** Scrutin majoritaire uninominal à un tour.

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