Le professeur au Centre de recherche en droit public de l’UdeM et directeur du Centre d’études sur les médias, Pierre Trudel, raconte qu’il s’efforce d’armer ses étudiants contre le phénomène des fausses nouvelles. « Il faut savoir évaluer les risques associés à chaque environnement virtuel avec lequel nous sommes en contact », précise-t-il.
Une étude de l’Université Stanford, réalisée en novembre 2016 et menée auprès de milliers d’étudiants états-uniens allant du secondaire à l’université, démontrait que les jeunes, aussi doués soient-ils avec les appareils connectés, seraient en réalité peu en mesure de reconnaître de fausses informations sur Internet. 82 % d’entre eux auraient du mal à faire la distinction entre une publication commanditée et une information provenant d’un site de nouvelles vérifiées.
M. Trudel souligne l’importance cruciale de la vérification des faits sur Internet. « Les études universitaires servent principalement à acquérir les habiletés nécessaires à l’exercice d’un regard critique sur les affirmations circulant dans l’espace public, ajoute-t-il. Il faut que tous redoublent d’efforts afin de s’assurer qu’ils disposent des réflexes nécessaires, dont le doute systématique. »
Un phénomène qui va au-delà de la vie privée
Pour l’étudiante au DESS en média, culture et technologie à l’UdeM Pauline Ferrari, les fake news existent depuis plusieurs années, mais c’est l’élection de Donald Trump l’année dernière qui a mis en lumière ce phénomène. Pour se prémunir contre les fausses nouvelles, elle admet faire des efforts supplémentaires. « Je vérifie la source des nouvelles que je lis sur Internet, assure-t-elle. J’essaie aussi de recouper l’information avec des sources plus “sérieuses”, comme des médias officiels. »
Pauline reconnaît que depuis quelques années, le combat contre les fake news ne concerne plus uniquement sa vie privée, mais fait également partie de son cursus universitaire. « L’an passé, quand j’étais en journalisme en France, c’était central dans mes cours, se souvient-elle. Cette année, j’ai un cours de médias et société où l’on aborde ces questions. »
Toutefois, l’étudiante trouve que les efforts ne sont pas suffisants et souhaiterait voir plus de professeurs s’intéresser à la question. « Bien que l’on en parle en classe, on n’a pas vraiment de “manuel” pour s’y retrouver, regrette-t-elle. On passe plus de temps à nous parler du plagiat pour nos devoirs qu’à nous apprendre à vérifier une information. »
L’étudiant au baccalauréat en science politique Lorys Dawant admet s’être déjà fait prendre par une fausse nouvelle. « J’ai cru une nouvelle qui annonçait des évasions dans des prisons lors de l’ouragan Irma, mais qui a été démentie juste après », admet-il. Selon lui, c’est certainement la popularité d’Internet et des médias sociaux qui a contribué à l’expansion du phénomène. « Sur Internet, les rumeurs ont tendance à se relayer extrêmement rapidement et à rendre l’information fausse. »
Pour Lorys, il serait sans doute nécessaire d’informer davantage l’ensemble des étudiants à ce sujet. Il ajoute qu’il faut savoir se montrer méfiant sur Internet et ne pas croire tout ce que publient certaines sources connues pour véhiculer des fausses nouvelles. « Certains sites orientés idéologiquement ont tendance à présenter l’information dans un sens qui répond à leurs idées et donc pas forcément à la réalité objective, » précise Lorys.
M. Trudel remarque qu’il sera compliqué de régler le problème de manière définitive et rapide. « On ne peut supprimer la pluralité des vérités, mais nous sommes en droit de savoir comment on nous les sert », affirme-t-il. Ce dernier ajoute qu’il manque une réglementation indépendante qui garantirait la transparence et la responsabilisation de ces mécanismes de décision fondés sur des algorithmes.