Quartier Libre : Sur quoi porte votre thèse ?
François-Xavier Dupas : Je m’intéresse d’abord à la structure musicale, qui est particulière dans les jeux vidéo puisqu’il faut la concevoir afin que la musique fonctionne de manière interactive. D’un point de vue technique, il s’agit de voir quels outils sont utilisés pour intégrer la musique dans le jeu. Par exemple, dans un jeu appelé Stories : The Path Of Destinies sorti sur PlayStation 4, il y a une histoire avec le héros qui revit la même histoire en faisant des choix différents. À la fin d’un playthrough [NDLR : De voir jouer jusqu’à la fin du jeu], on voit où ses choix le mènent, le jeu ayant 25 fins différentes, dont 24 où il meurt. Selon les parties, je voulais que la musique puisse s’adapter dynamiquement aux choix du joueur et refléter la personnalité du personnage en fonction des orientations données par le joueur. Je m’intéresse aussi à la production, à l’enregistrement, à l’utilisation d’ordinateur et au développement thématique.
Q. L. : Qu’est-ce qui vous a poussé vers cela ?
F.-X. D. : C’était mon projet depuis longtemps. Au début, je voulais faire quelque chose de très spécialisé sur les structures de musiques interactives en jeu vidéo, mais, au final, ça s’est ouvert un peu. Je compose aussi des musiques de film et parfois de pièces de concerts, et j’ai voulu également intégrer cette expérience. Au final, la thèse est plus sur mon parcours général de compositeur de musique à l’image, mais une bonne partie parle de jeu vidéo.
Q. L. : Vous avez travaillé sur combien de jeux vidéo ?
F.-X. D. : Trente-cinq jusqu’à présent, et surtout avec des maisons indépendantes, puisque les plus grosses licences vont aller à Hollywood chercher des compositeurs très connus. Je suis encore un jeune compositeur et la compagnie que j’ai montée, Vibe Avenue, n’a que quatre ans. Stories est le premier jeu pour console que j’ai fait. Depuis, j’ai également collaboré à Livelock, de l’éditeur chinois Perfect World Entertainment. On gagne tranquillement en notoriété et nos projets deviennent plus gros. Les jeux indépendants permettent de prendre plus de risques et d’expérimenter, puisqu’afin de se démarquer, ils offrent plus de latitude, que ce soit sur le plan visuel ou sonore.
Q. L. : En tant que chargé de cours à l’UdeM, sentez-vous un engouement pour la musique de jeu vidéo ?
F.-X. D. : Oui, c’est vraiment une chose que les étudiants cherchent beaucoup. C’est un milieu dynamique et très créatif que les étudiants de cette génération connaissent bien. Ça leur permet de combiner la passion et l’art en un métier. J’enseigne la classe de musique de films et d’audio pour les jeux vidéo. Dans cette dernière, on a des partenariats, notamment avec le Centre NAD [NDLR : Centre national d’animation et de design]. On collabore aussi avec le D.E.S.S. en design de jeux de l’UdeM, pour lequel on s’occupe de l’audio des jeux vidéo qui y sont produits, entre 10 et 20 par année.
Q. L. : Peut-on entendre vos musiques dans d’autres contextes, en concert par exemple ?
F.-X. D. : Oui, il y a eu le concert Odyssée musicale du jeu vidéo à Montréal le 9 décembre, et une autre représentation à Québec le 12 avril. Ce ne sont que des musiques de jeux produits au Québec. Trois jeux dont j’ai composé les musiques étaient au programme : Stories : The Path Of Destinies, Ultimate Chicken Horse et Leap of Fate. Pour ce dernier, puisque certains niveaux traitent de la mort, j’avais composé un requiem avec chœur et orgue. Je pense que c’est vraiment intéressant de sortir du cadre du jeu et d’être joué en concert. Cela nous permet de joindre un autre public qui ne joue pas nécessairement aux jeux vidéo, et de faire découvrir l’orchestre aux joueurs.