«Je voulais créer un espace sécuritaire où les étudiants peuvent apprendre à déconstruire les mythes et à poser leurs questions sans redouter de blesser quelqu’un », explique l’agent de liaison en soutien à la communauté étudiante autochtone au sein des SAÉ de l’UdeM, Samuel Rainville, animateur lors de cet atelier.
« Il est commun d’entendre de la part d’enseignants ou de collègues « tu n’as pas l’air autochtone « , ou alors « À quel pourcentage es-tu autochtone ? » », déplore M. Rainville. Ces questions, pour lui, restent lourdes de sens, car c’est une manière de remettre continuellement en cause l’identité des étudiants des Premiers Peuples.
Des stéréotypes encore courants
L’atelier est apprécié des participants, comme l’étudiante en études cinématographiques à l’UdeM, Ginger Le Pêcheur. « Pendant l’atelier, j’ai appris beaucoup sur les lois et le fonctionnement des réserves autochtones, souligne-t-elle. Par exemple, je ne savais pas qu’il était vraiment difficile, voire impossible, d’être propriétaire de sa maison dans les réserves. » Pour cette étudiante originaire de France, tant le contenu que la forme de l’atelier se sont avérés intéressants. « Avoir en face de soi une personne issue d’une communauté autochtone, et jeune en plus, comme Samuel, nous offre un autre regard, moins théorique et plus humain. »
Durant la séance, les stéréotypes les plus courants, comme la question de l’alcoolisme ou encore le mythe des taxes que les communautés autochtones ne paieraient pas, sont expliqués et déconstruits un par un.
« Quand les autres étudiants apprennent que je suis autochtone, ils me disent souvent : « Je pensais que tu étais 100 % Québécois, comme nous », confie Arnaud Gigon-Rochette, étudiant huron-wendat à l’UQAM. Et quand je sors avec des amis, on me fait souvent des blagues sur l’alcool et l’alcoolisme. »
Selon lui, ces petites phrases, qui peuvent paraître anodines, s’entendent au quotidien, même dans le cadre universitaire. « On me dit souvent : « Tu n’es pas plus autochtone que nous, ce n’est pas juste que tu ne paies pas de frais de scolarité et nous oui » » développe Arnaud, fatigué de devoir se justifier. L’étudiant pense qu’il existe un manque de compréhension et d’éducation chez les jeunes.
Des barrières à faire tomber
« Le tout vise à faire de l’UdeM un milieu plus inclusif aux réalités diverses des Premiers Peuples, précise M. Rainville. Parfois, on ne se rend pas compte, mais l’éducation donnée à l’UdeM est une éducation allochtone, qui ne répond pas forcément aux besoins autochtones. » Pour cet Innu de Pessamit, plusieurs disciplines enseignées, telles que la criminologie, les sciences sociales ou politiques, auraient besoin d’aborder les problématiques autochtones. « Comme on ne parle pas, ou peu, des questions autochtones dans les cours, si des étudiants désirent retourner dans leur communauté après leurs études, il est peu probable que leur formation soit en adéquation avec les besoins de celle-ci », poursuit-il.
Il pense aussi qu’une autre barrière importante est celle de la langue. Certaines communautés, comme celle atikamekw, parlent encore beaucoup leur langue. Pour les étudiants qui en sont issus, le français est leur deuxième langue. « Il peut y avoir un décalage que l’université considère plus comme un retard ou des faiblesses dans l’éducation, explique M. Rainville. On devrait pouvoir comprendre ces réalités et leur offrir des outils en plus. Être ainsi en adéquation avec eux, au lieu d’être dans l’adaptation. »
Selon l’agent de liaison, ces différentes barrières expliqueraient, entre autres, le faible nombre d’étudiants des Premiers Peuples à l’université, qu’il estime à une cinquantaine à l’UdeM.
Des solutions
Certaines mesures sont mises en place à l’Université pour les Premiers Peuples et avec leur aide. L’atelier du 31 janvier est l’une d’entre elles. « Je le verrais bien comme un cours obligatoire en première année, soutient Ginger. Je pense que cela changerait beaucoup de choses et ouvrirait les perspectives des gens. » Arnaud, qui regrette qu’encore aujourd’hui, l’histoire des Premiers Peuples du Québec ne soit pas assez connue, partage ce point de vue. « Ce genre d’ateliers est désormais nécessaire pour que les choses changent vraiment, ajoute-t-il. Et cela, pour tous les étudiants de toutes les universités. »
Sur le plan institutionnel, un centre étudiant des Premiers Peuples a été mis en place. Il leur donne facilement accès à de l’information sur les perspectives de carrières ou encore sur les services auxquels ils ont droit, comme le Salon Uatik, réservé aux étudiants autochtones. « Le nouveau centre étudiant des Premiers Peuples représentait déjà une belle réussite, et en plus, il y a un grand mouvement institutionnel qui se trame, s’enthousiasme M. Rainville. L’UdeM réfléchit depuis 2016 à un plan d’action pour améliorer l’accueil et l’expérience des étudiants autochtones. » Le plan en question n’est pas encore adopté, mais il est finalisé et visible sur le site internet Place aux Premiers Peuples de l’UdeM. Coconstruit avec les Premières Nations et les Inuits, il propose plusieurs champs d’action tels que la reconnaissance, le recrutement de personnel autochtone ou le partage de savoir.