Réinventer la transmission du savoir universitaire, tel est l’objectif des Cours en ligne ouverts et massifs (CLOM), aussi appelés MOOC. Cependant, les universités francophones du Québec n’ont toujours pas rejoint l’initiative, contrairement à l’Université de la Colombie-Britannique ou à celle de Toronto, pionnières de ce mode d’enseignement au Canada. Ce retard s’explique par un manque de prise de conscience de l’intérêt des CLOM .
« Les universités québécoises n’ont pas encore compris le grand potentiel des CLOM », soutient l’architecte logiciel à la Maison des technologies de formation et d’apprentissage (MATI-HEC, Polytechnique-UdeM), Claude Coulombe. «Comme nous ne sommes pas les initiateurs de cette plateforme, on se dit que ce n’est pas bon et qu’on préfère attendre de voir comment cela va évoluer». Selon lui, «il faudrait, au contraire, s’emparer de ce qui existe et y ajouter du contenu francophone. Il faut se lancer, on ne peut pas créer quelque chose de parfait du premier coup» .
Deux universités canadiennes anglophones se sont déjà lancées dans l’aventure en s’associant à Coursera : l’Université de Toronto et l’Université de Colombie-Britannique (UBC), située à Vancouver. Depuis le début de l’automne 2012, l’Université de Toronto offre deux cours en informatique, un sur la programmation et l’autre sur les réseaux de neurones artificiels. Ils seront suivis de trois autres cours à la session d’hiver 2013, qui porteront sur la santé mentale, l’éducation selon les Amérindiens et la programmation informatique. Cette dernière figurera également au menu proposé à partir de mai 2013 par l’UBC, qui inclura également des cours sur le changement climatique et sur la génétique .
« Le partenariat avec Coursera nous fait appartenir à un consortium d’excellence et nous donne l’occasion de diffuser au monde entier la connaissance générée dans notre université», estime la vice-rectrice aux études de l’Université de Toronto, Cheryl Regehr. «C’est une expérience riche et unique pour les étudiants. Il y a un véritable appétit pour ces initiatives, et Coursera présente l’avantage de rassembler en son sein des universités prestigieuses.»
Les universités québécoises à la traîne
L’UdeM n’exclut pas de diffuser ses cours sur internet. Cependant, elle ne sait pas encore quelle forme prendra sa participation. «Nous examinons cette possibilité », explique le vice-recteur adjoint aux études de 1er cycle de l’UdeM, Jean-Pierre Blondin. «Les CLOM sont encore un phénomène récent. Nous ne savons pas encore si nous allons rejoindre Coursera ou développer une autre formule qui tiendrait compte d’un réseau francophone. Les cours en ligne sont une bonne façon d’apprendre. Il est encore un peu prématuré pour donner une date ou un échéancier, mais nous n’allons pas attendre.»
Cette nouvelle méthode d’apprentissage permet de se former tout au long de sa vie. «De nos jours, les gens ont une vie morcelée : ils interrompent, puis reprennent leurs études, ou travaillent et étudient en même temps, explique M. Coulombe. L’enseignement québécois n’est plus adapté au monde actuel. Les étudiants québécois vont déjà vers les CLOM. J’ai un ami qui travaille et qui suit des CLOM, car son emploi du temps ne lui permet pas de les suivre à l’université.» La diffusion et l’accès au savoir est un enjeu pour les étudiants québécois, comme l’ont montré les manifestations du « printemps érable ». Les plateformes de CLOM comme Udacity sont entièrement gratuites et l’inscription n’est soumise à aucune condition. « Le temps est le seul investissement des apprenants », précise M. Coulombe .
Les plateformes sur lesquelles les cours sont diffusés sont aussi une vitrine pour les universités participantes. Ce nouvel espace permettrait aux universités du Québec de faire découvrir leurs programmes en langue française au monde entier. «C’est une occasion incroyable que les universités québécoises doivent saisir », selon M. Coulombe. Les universités canadiennes anglophones ont déjà compris cet enjeu et permettent à des étudiants d’ailleurs de bénéficier de leurs cours. «Joindre l’aventure Coursera, c’est permettre aux apprenants du monde entier de bénéficier des cours exceptionnels de l’UBC et de ses professeurs », pense le porte-parole de la Faculté des sciences de l’Université de Colombie-Britannique, Simon Peacock. «Même si cette méthode n’est pas parfaite, elle nous permet d’évaluer une nouvelle technique d’enseignement et d’apprentissage, et de la parfaire si nécessaire.»
L’infonuagique au service des CLOM
L’infonuagique (ou cloud computing) consiste à déplacer et à stocker sur internet de l’information traditionnellement placée sur des serveurs locaux. Les données sont donc accessibles aux utilisateurs à partir de n’importe quel lieu à l’aide d’un appareil connecté à internet. Mais, cette nouvelle technique de stockage ou de diffusion de l’information ne permet pas seulement l’utilisation des CLOM. En effet, elle est utilisée au quotidien par les internautes, que ce soit à travers Gmail, YouTube ou iTunes .
Selon l’architecte logiciel à la Maison des technologies de formation et d’apprentissage (MATIHEC, Polytechnique-UdeM), Claude Coulombe, les universités québécoises disposent déjà de tous les éléments pour proposer des CLOM, car l’architecture web peut varier selon les besoins. «L’idée de l’infonuagique est de louer à la demande des infrastructures sur des plateformes comme Amazon, Google [ou Coursera]. Les universités peuvent ainsi éviter de coûteux investissements en immobilisation et en achat de matériel, car on ne paie que pour ce qu’on utilise. Si le cours est très fréquenté, l’espace infonuagique utilisé coûte plus cher, mais, s’il l’est moins, l’université réduit ses coûts», explique M. Coulombe .