On n’arrête pas le progrès, surtout sur Internet. Chaque nouveau réseau social espère don dépasser ses prédécesseurs sur le plan du design et des fonctionnalités. Pari raté pour Freezecrowd: c’est moche, pas pratique, difficile d’accès et on se demande ce que ça apporte de plus que Facebook.
Eric Leebow, le créateur de Freezecrowd, aspire à une « révolution », rien de moins. Lancée le 29 août dernier après onze ans de développement, sa plateforme invite les étudiants universitaires du Canada, des États-Unis, de l’Angleterre et de l’Australie à se créer une liste d’amis et à communiquer via des albums de photos rendus interactifs par un système de tags. Le concept étant assez nébuleux pour éveiller ma curiosité, je décide de me lancer dans l’aventure.
Premier constat, Freezecrowd est mal référencé sur la Toile : je dois me rendre jusqu’à «Freezecr» pour que le nom complet du réseau social apparaisse automatiquement dans Google. Sourcil perplexe. Dès la page d’accueil, le contact avec le site est consternant : un portail bicolore, simpliste et peu interactif, d’une esthétique qui rappelle les balbutiements de l’Internet. Une fois à l’intérieur, les fonctionnalités proposées sont tout aussi rudimentaires : ajout d’amis, création d’albums, affichage de statuts. Quant au dialogue instantané, le moyen de communication favori des inconditionnels des réseaux sociaux, il ne peut s’effectuer qu’au travers des photos, une fois que les personnes qu’elles représentent ont été dûment étiquetées. On peut alors y insérer des bulles à la façon d’une BD pour entamer une conversation avec les indi vidus identifiés. Réapparition du sourcil perplexe. Où est passé le principal intérêt du clavardage, à savoir son immédiateté ?
La possibilité d’aller piocher des mots-clés prédéfinis dans une vaste liste pour les associer aux profils des individus étiquetés est plus originale. Cela permet ensuite de rechercher des points ou des intérêts communs. Au risque, cependant, de caricaturer. « La blonde sportive » ou « le musicien amour eux de la poé sie » sont des exemples de profils tout en subtilité auxquels vos recherches risquent de vous confronter.
Un petit monde fermé
La communauté Freezecrowd est peu nombreuse. Même si Eric Leebow annonce 39000 suiveurs du site sur Twitter, le moteur de recherche de personnes offre à ce jour un Marc, deux Johnson et deux Andrew pour quatre pays. Le parti pris de ne s’adresser qu’à un public d’étudiants n’aide probablement pas à grossir le nombre des utilisateurs – il faut avoir une adresse de courriel valide d’une université pour pouvoir s’inscrire. D’autant plus que toutes les universités ne sont pas acceptées par le système. À ce jour, les adresses étudiantes provenant de l’UdeM et de l’UQAM ne sont pas reconnues. Francophonie évincée ? Non, puisque les étudiants de l’Université de Sherbrooke peuvent utiliser Freezecrowd, mais pas ceux de la prestigieuse Université de Nottingham en Angleterre. Nouveau sourcil perplexe.
La volonté fortement affichée d’offrir un autre Facebook, Eric Leebow la rêve plus qu’il ne la concrétise. Selon lui, l’apport principal de FreezeCrowd résiderait dans son pouvoir de rendre poreuses les frontières entre écran et vie réelle, en poussant les étudiants à aller au-delà du simple contact virtuel après avoir sympathisé par photos interposées. Eric Leebow serait-il passé à côté de la fonction Création d’événements de Facebook, ou encore de ses multiples applications pour rencontres amoureuses?
FreezeCrowd semble être aux réseaux sociaux ce qu’Avatar de James Cameron est au film de science-fiction en 3D: une décennie de nombrilisme à ignorer les progrès et avancées réalisés dans le même domaine.