Vulgariser par l’image…

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Par David Levi
mercredi 11 novembre 2015
Vulgariser par l’image...
La photographie du postdoctorant en génie physique David Rioux, gagnante du 1er prix du concours La preuve par l’image de l’Acfas, parrainé par l’émission Découverte de Radio-Canada. Crédit Photo: David Rioux Concours La preuve par l'image 2015.
La photographie du postdoctorant en génie physique David Rioux, gagnante du 1er prix du concours La preuve par l’image de l’Acfas, parrainé par l’émission Découverte de Radio-Canada. Crédit Photo: David Rioux Concours La preuve par l'image 2015.
L’Association francophone pour le savoir (Acfas) a décerné au mois d’octobre le prix du jury de la meilleure photographie scientifique au post-doctorant en génie physique et chargée de cours à l’École Polytechnique David Rioux*. Sa photo intitulée Le bal coloré des nanolanternes a également reçu cet été le prix du public du festival scientifique Euréka !. L’esthétisme prend une part grandissante dans les travaux des chercheurs pour intéresser le grand public.

David Rioux étudie la fabrication de nanoparticules utilisées dans l’imagerie biomédicale. Lorsque ces particules sont éclairées et plongées dans l’eau, elles produisent une couleur unique en fonction de la teneur en or et en argent de celles-ci. « Les applications sont multiples et concernent principalement le domaine de l’optique », explique David. L’expression « une image vaut mille mots » est particulièrement adéquate dans ce contexte, car la photographie de David permet de diffuser de façon esthétique l’ensemble de son sujet de recherche.

« C’est la responsabilité des chercheurs de faciliter l’accès aux connaissances qu’ils produisent pour réduire la méfiance du public à l’encontre de certaines idées, commente David. Pour le doctorant, le concours de l’Acfas permet de rapprocher la communauté scientifique de la société dans son ensemble.

« Ces dernières années, on a observé une prise de conscience à propos du rôle que les chercheurs peuvent avoir pour éduquer les gens », explique David. Il fait référence à une déclaration faite en avril 2015 par le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, qui souhaitait voir les chercheurs de la province utiliser des moyens novateurs et différents pour participer à l’éducation du grand public et lutter contre certains préjugés à l’encontre de vérités scientifiques. « Même si la beauté n’est pas une condition essentielle, il s’agit d’une avenue possible pour intéresser le public, pense David. Aujourd’hui, la technologie nous permet d’esthétiser la science. »

Selon la rédactrice en chef de la revue Découvrir et directrice de projet à l’Acfas, Johanne Lebel, « l’image permet de synthétiser beaucoup d’informations ». Mme Lebel pense que cette volonté de faciliter la compréhension d’une recherche scientifique à l’aide d’une image n’est d’ailleurs pas une tendance nouvelle. « Le cerveau est plus lent lorsqu’il faut lire, dit-elle. Darwin incorporait déjà des schémas dans ses recherches. En revanche, ce qui est propre à notre époque, c’est notre capacité à produire certaines images qu’il n’était pas possible de créer auparavant. »

Les recherches en génie physique comme celles de David sont difficiles d’accès pour le grand public, mais les nouveaux outils de l’information, allant des infographies aux photographies en passant par les films, permettent de rendre le domaine plus attrayant et ainsi de le publiciser, selon lui. « Si demain quelqu’un découvre le remède contre le cancer, on n’aura pas besoin de rendre cette recherche esthétique », ajoute-t-il. Le postdoctorant pense que l’esthétique permet surtout de faire connaître des recherches qui autrement seraient restées dans l’ombre.

La beauté, à quoi ça sert ?

L’esthétisme dans la science n’est toutefois pas seulement destiné à attirer l’attention du grand public, selon le doctorant en biologie à l’UdeM et finaliste du concours La preuve par l’image de l’Acfas, Youssef Chebli. « Dans le domaine de la diffusion purement scientifique de travaux pour des articles, des conférences ou des rapports scientifiques […] l’esthétisme est primordial, affirme-t-il. Surtout de nos jours avec le bombardement constant d’informations. » D’après Youssef, il est parfois indispensable de documenter une recherche par la photographie. « La photographie permet de voir les structures et les phénomènes que l’on étudie, poursuit-il. Sans l’imagerie, il serait quasiment impossible de comprendre plusieurs phénomènes biologiques. »

David espère qu’un concours comme celui de La preuve par l’image pourra susciter des vocations. « Ma photo a attiré l’attention de beaucoup de jeunes », confie-t-il. Il se demande cependant combien de personnes se pencheront réellement sur ses recherches après avoir vu sa photo gagnante.

*Les deux David Rioux interrogés dans ce numéro sont des homonymes.

 

Qu’est-ce que l’Acfas ?

L’Association francophone pour le savoir (Acfas) est un organisme à but non lucratif fondé en 1923. L’Acfas œuvre pour l’avancement des sciences au Québec et dans la francophonie canadienne. L’organisme propose plusieurs concours et prix comme le Concours de vulgarisation, récompensant les étudiants-chercheurs ayant le mieux réussi à communiquer leur recherche à un large public. La preuve par l’image est une compétition des meilleures images scientifiques illustrant une recherche. L’Acfas propose aussi le concours Ma thèse en 180 secondes qui invite les étudiants au doctorat dans les universités canadiennes à présenter le plus succinctement possible leurs recherches. Chaque année depuis 1944, l’Acfas remet neuf prix à des chercheurs pour souligner leur carrière remarquable, mais également à des étudiants-chercheurs en cours d’études pour les inciter à poursuivre dans cette voie.