Un groupe composé de professeurs, de chargés de cours et d’une récente diplômée du doctorat en psychologie s’est réuni le 29 août dernier pour utiliser la technique japonaise du Pecha Kucha afin de transmettre ses idées.
Le procédé consiste en une présentation autorisant seulement 20 diapositives, chacune d’entre elles étant diffusée pendant 20 secondes, pour un total de 6 minutes et 40 secondes de temps de parole qu’il est impossible de dépasser. « Ce n’était pas ennuyeux, affirme l’étudiant au DESS en design de jeux Hugo Stindel, à la suite des six présentations qui se sont succédé. On restait attentif durant toute la présentation, car c’était en perpétuelle animation. »
D’après ses participants, cette technique nouvelle semble séduire les spectateurs. « Sur les trois fois où j’ai eu l’occasion d’employer cette méthode, mon public a vraiment adoré », se réjouit la professeure de bioéthique participante Vardit Ravitsky.
Un défi inattendu
Si l’on se fie aux témoignages émanant du public comme du groupe des présentateurs, l’événement a été autant apprécié des étudiants que redouté des communicants. « Malgré mon expertise et ma facilité à communiquer, j’étais extrêmement surprise de découvrir la difficulté que réserve cet exercice, concède Mme Ravitsky. La première version de mon texte préparé était même quatre fois trop longue ! »
Simple en apparence, la méthode du Pecha Kucha nécessite une préparation considérable, comme le révèle le chercheur en astrophysique Robert Lamontagne. « Il est en fait beaucoup plus éprouvant et compliqué de synthétiser ses idées en moins de sept minutes que de les dérouler dans un cours de trois heures », illustre-t-il, avouant avoir été assez nerveux lors de sa participation à la joute.
Il explique qu’en plus de proposer un format d’enseignement différent, le Pecha Kucha exige une certaine performance pour être réussi. « Il faut parvenir à arrimer le discours aux images, confie-t-il encore. Le fait de ne pas avoir le contrôle sur leur défilement rapide augmente vraiment le stress de l’orateur. »
Un potentiel à explorer
Le Pecha Kucha, « conversation » en français, est originaire de Tokyo et se développe depuis 2003*. Pour le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM Bruno Poellhuber, la technique ne s’est pas véritablement implantée dans le corps universitaire, demeurant nettement plus visible dans les congrès que dans les salles de cours. Selon lui, cette méthode pourrait trouver sa place parmi d’autres, mais ses vertus pédagogiques doivent être ciblées. « Ce n’est ni une révolution ni une panacée, car cela n’est pas adapté à tous les types de présentation », précise-t-il.
Il affirme aussi que la spécificité du format laisse néanmoins envisager un usage très pertinent pour les présentations des étudiants eux-mêmes. « Les utilisateurs de PowerPoint ont souvent tendance à surcharger textuellement leur présentation, alors que le Pecha Kucha renverse la perspective en se concentrant sur des images évocatrices plus que sur des mots à retenir », nuance-t-il. Il ajoute que la méthode constituerait alors une option intéressante qui forcerait les étudiants à synthétiser intelligemment leurs travaux, pour en cerner les points essentiels et les communiquer efficacement.
Du côté des professeurs, M. Poellhuber et Mme Ravitsky pensent tous deux que le recours à un Pecha Kucha comme entrée en matière pour lancer le début d’un cours permettrait de faciliter par la suite les temps d’échange entre l’enseignant et ses étudiants. « On pourrait commencer par deux Pecha Kucha pour traiter un thème dans une période de 50 minutes, propose M. Poellhuber. Cela laisserait alors beaucoup plus de place pour enchaîner avec les discussions. » Il rajoute que de cette démarche pourrait même découler un sous-produit intéressant : l’enregistrement vidéo de ces narrations de moins de sept minutes.
* D’après pechakucha.org