Voir l’avenir en vert

icone Campus
Par Renaud Chicoine-McKenzie
lundi 8 novembre 2021
Voir l'avenir en vert
Des changements qui prennent du temps. Crédit photo : Alexander Abero | unsplash.com
Des changements qui prennent du temps. Crédit photo : Alexander Abero | unsplash.com
Grâce à son nouveau plan stratégique de développement durable, paru au printemps dernier, l’Université de Montréal entame un tournant écoresponsable. Les étudiants et étudiantes, du simple fait de leur nombre — un peu moins de 45 000 uniquement à l’UdeM — sont appelés à avoir un impact sur sa réussite. Leur en donne-t-on les moyens ?
« On met des services à la portée des étudiants, mais on n’arrive pas à les attirer. »
Ronald Jean-Gilles, directeur de l’Unité de développement durable (UDD) de l’UdeM

Depuis le 4 octobre dernier, la communauté étudiante de l’UdeM peut utiliser les tasses réutilisables CANO, offertes chez Local Local, dans le pavillon Jean-Brillant. Cette initiative écoresponsable est l’une des dernières mises en place par l’Université. Or, au regard du STARS Report*, une certification triennale internationale en développement durable décernée par The Association for the Advancement of Sustainability in Higher Education, et visant les établissements d’enseignement supérieurs, l’UdeM, qui a obtenu une certification argent, se classe toutefois en-dessous d’autres universités québécoises. Ce rapport a d’ailleurs servi d’inspiration à sa planification stratégique 2021 – 2023 pour le développement durable, selon UdeMNouvelles.

L’étudiante en troisième année au doctorat de premier cycle en médecine Florence Turcotte déplore certains retards accusés par l’Université en matière de transition écologique. Elle est la présidente de l’organisme étudiant ÉcoLeaders, lequel vise à sensibiliser la communauté de l’UdeM au développement durable. « Les gens sont un petit peu surpris de voir que l’UdeM n’a pas de compost accessible dans tous les pavillons », énonce-t-elle à Quartier Libre. Les bacs bruns ne sont d’ailleurs pas, d’après elle, les seules solutions écoresponsables à manquer de visibilité sur le campus.

De passage à l’Université, les étudiants et étudiantes peuvent, s’ils le souhaitent, composter leurs biodéchets, utiliser des gobelets réutilisables ou encore recycler leurs appareils électroniques. D’autres initiatives leur permettent aussi d’acheter des produits sans emballage à la boutique En Vrac ou des vêtements de seconde main à la friperie Beati.

La plupart de ces offres semblent pourtant méconnues, au regard des témoignages de certains membres de la communauté étudiante. Rencontrés à la cafétéria Local Local, les étudiants en troisième année au baccalauréat en sciences économiques Hicham Dakkak et Sofia Liubinskas avouent leur ignorance de ces installations au-delà du bac brun. « Pour les poubelles, il y a ce qu’il y a à côté, remarque Hicham Dakkak, en tournant son regard vers le bac de compostage. C’est à peu près tout ce dont je suis au courant, mais pour le reste, concernant les magasins… aucune idée. » « Pareil », confirme Sofia Liubinskas.

Station de tri pour les résidus, pavillon Jean-Brillant. Crédit photo : David Fillion

Même son de cloche pour l’étudiante en deuxième année au baccalauréat en philosophie Mélody Constantin, potentielle future cliente d’En Vrac et de Beati. « C’est quelque chose qui m’intéresse, témoigne-t-elle. Tant mieux si c’est accessible avec l’Université, je ne le savais pas. » Bien qu’ils soient absents de plusieurs bâtiments du campus, les bacs de compostage restent-ils la plus apparente manifestation du virage vert sur celui-ci ?

La communauté étudiante ne se désintéresse pourtant pas des questions environnementales, selon Florence Turcotte, comme peut en témoigner la popularité des Éco-Leaders. « Beaucoup de personnes nous écrivent pour des projets étudiants et ils viennent de tous les horizons, assure-t-elle. J’ai été étonnamment surprise des gens qui s’impliquent au sein d’Éco-Leaders. »

Un changement de cap

Un travail reste à faire au niveau de l’accessibilité et de la visibilité de ces ressources, selon le nouveau directeur de l’Unité de développement durable (UDD) de l’UdeM, Ronald JeanGilles. « On met des services à la portée des étudiants, mais on n’arrive pas à les attirer », résume-t-il. Arrivé à la tête de l’UDD deux mois seulement avant le début de la pandémie, il a plus de vingt ans d’expérience dans le domaine du développement durable. Après bientôt deux ans en télétravail, il en est donc à son premier automne sur le campus, mais ses intentions sont claires : structurer la stratégie au niveau de l’Université et mettre en branle un changement de culture.

« Je pense qu’aujourd’hui, on reconnaît l’importance d’agir pour le développement durable, une reconnaissance qu’on n’avait peut-être pas auparavant », admet M. Jean-Gilles. Avant son arrivée, l’UDD existait et mettait en place des politiques et des offres écoresponsables, mais elle n’avait pas de stratégie générale de développement durable pour l’Université, selon lui. Il a ainsi fait de la planification stratégique 2021 – 2023 pour le développement durable à l’Université de Montréal l’un de ses premiers engagements, en avril dernier, afin de la doter pour la première fois de politiques écoresponsables. « Maintenant, tout le monde s’entend pour dire que le statu quo n’est pas une option », poursuit-il.

Florence Turcotte s’inquiète néanmoins des procédures de l’Université qui, d’après elle, peuvent constituer un obstacle. « Les changements prennent du temps à se faire, déplore-telle. C’est une grosse lourdeur bureaucratique et au final, la prise de décision, on ne sait pas trop qui la fait, on ne sait pas trop à qui s’adresser. » Elle illustre son propos par la difficulté à louer de la simple vaisselle réutilisable pour un événement. « Ce n’est pas faux de dire qu’il y avait une lourdeur administrative, concède M. Jean-Gilles. Ceci dit, il y a vraiment un vent de changement. »

Pour la présidente des Éco-Leaders, la question est de savoir si ce vent sera suffisant pour faire changer de cap le navire de l’UdeM. La planification stratégique n’est qu’un premier pas dans cette direction?: elle définit une quarantaine d’objectifs, dont ceux d’améliorer les communications entre l’Université et sa communauté, de stimuler l’engagement de celle-ci et de lui offrir un milieu de vie sain. Toutefois, elle ne spécifie pas comment atteindre ces objectifs, selon le directeur de l’UDD. L’Unité se penche aussi actuellement sur la question, en consultation avec la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM), l’Association générale des étudiantes et étudiants de la Faculté de l’éducation permanente (AGEEFEP) ainsi que des membres du corps professoral et du personnel administratif. Le projet prendra un certain temps à se concrétiser, et une première mouture de celui-ci devrait être prête en mars 2022, selon M. Jean-Gilles.

Aller de l’avant

Le but n’est pas d’attendre jusque-là, selon ce dernier, qui assure que plusieurs offres sont d’ores et déjà proposées aux étudiants et aux étudiantes, et que l’Université a apporté des améliorations sur le campus. Elle a par exemple ajouté de nombreux supports à vélo pour encourager le transport actif, tous répertoriés sur une carte en ligne. De plus, une offre de location à long terme de vélos, abandonnés à leur sort sur le campus et récupérés par l’Université, est proposée. Un service notamment offert aux étudiants et étudiantes étrangers.

Pour ce qui est du compost, l’initiative avait été mise à l’arrêt pendant la pandémie : après tout, point d’ordures sans communauté étudiante sur le campus. « Ça va reprendre, ça fait partie des priorités », promet M. Jean-Gilles. La logistique est toutefois plus compliquée qu’il n’y paraît, car l’UdeM ne fait pas affaire avec le service de la Ville de Montréal. Florence Turcotte a néanmoins foi en ce projet. « Nous avons plusieurs personnes intéressées à travailler dessus », assure-t-elle.

Saviez-vous ?

 

  • L’UdeM a reçu la certification MSC (Marine Stewardship Council) pour son approvisionnement en poissons issus de la pêche responsable.
  • L’année dernière, les ruches de l’UdeM ont permis de produire quelque 15 kilos de miel.
  • L’UDD compte notamment, dans les prochains mois, mettre en place un plan de mobilité post COVID-19 visant à faciliter les déplacements à vélo sur le campus et aussi créer une serre expérimentale au campus MIL.
  • En 2019, l’UdeM s’est lancée dans la réalisation d’une bière faite à partir d’ingrédients produits sur le campus. « Nous brassons la bière avec le houblon qui pousse sur le campus et le miel des ruches installées sur la montagne », expliquait alors à Quartier Libre le directeur de la division Résidences, hôtellerie et restauration à l’UdeM, Pascal Prouteau.

Source: UdeMNouvelles

*Le Sustainability Tracking, Assessment & Rating System™ (STARS).