Société

Frédéric Dion, étudiant au doctorat en sciences de la communication à l’UdeM. (Crédit : Acfas)

Vitrine Relève du Congrès de l’Acfas : Frédéric Dion

À noter : cet article est un billet de blogue provenant de la Vitrine Relève du Congrès de l’Acfas. Quartier Libre a reçu une compensation pour la publication de cet article.

Ma thèse en communication porte sur la manière dont les jugements esthétiques affectent les relations que nous tissons avec notre entourage. Je me spécialise en communication organisationnelle, c’est-à-dire que j’étudie la manière dont la communication est un processus essentiel à la formation, au maintien, et à la coordination des groupes sociaux. Depuis bien avant mes études supérieures, le type de jugements qui fonde parfois nos sympathies et nos affiliations me parait fascinant; ces choses qui nous font dire : « Cette personne m’a l’air intéressante, j’ai envie d’aller lui parler », « Cet endroit me ressemble, j’ai envie de m’y installer », etc. Parfois, bien plus que des raisonnements à la logique claire et ordonnée, les impressions qui se dégagent des autres (impressions qui sont donc formées sur quelque chose qui nous est communiqué), mais aussi des espaces et des objets, affectent fortement nos actions futures. Combien d’amitiés ne se seraient pas formées si l’une des personnes dans la relation n’avait présenté un style qui l’avait rendue approchable, voire d’emblée sympathique, à l’autre? En tant qu’espace non radicalement séparé du reste de la vie humaine, je travaille sur la prémisse que ces façons dont l’apparence nous affecte, mais aussi les manières ou ce que j’appelle le style des choses qui nous entourent, que nous éprouvons par exemple lorsque nous nous entichons d’un personnage cool ou badass à la télévision, ne sont pas laissées à la porte des organisations que nous côtoyons.

Un des grands défis de ma recherche est que ces expériences esthétiques sont parfois un peu mises de côté comme sans conséquences, ou bien considérées comme superficielles, particulièrement dans certains milieux organisationnels. D’autres fois, sans vouloir ne pas leur accorder d’importance, on a simplement du mal à restituer par le langage ces expériences : qu’est-ce qui nous a fascinés chez cette personne, qu’est-ce qui rend cette blague si juste, dans le contexte? Le philosophe Jankélévitch a écrit tout un livre sur cet enjeu, portant un titre que j’adore : Le je-ne-sais-quoi. Quoi qu’il en soit, dans ces deux cas, la personne qui tente d’effectuer une recherche sur ce je-ne-sais-quoi se trouve face à la difficulté posée par ce phénomène, que le chercheur Steven S. Taylor a nommé le mutisme organisationnel.

Qui dit grand défi, dit parfois grande opportunité. C’est peut-être ce mutisme qui explique qu’encore aujourd’hui, si peu a été écrit sur les tenants et aboutissants de ce registre expérientiel dans les organisations. En tant que chercheur en communication organisationnelle, cela m’a amené à chercher à croiser des travaux de plusieurs disciplines, que ce soit la philosophie, la sociologie, la sémiotique ou les sciences du design. Bien que l’épreuve de la thèse soit ce qui m’accapare présentement le plus, la perspective des multiples projets auxquels invite mon objet de recherche, ainsi que la possibilité de travailler auprès de collègues aux intérêts les plus divers me rendent particulièrement enthousiaste quant à mon futur professionnel.

Pour consulter la Vitrine Relève de l’Acfas : https://congres-acfas2023.ca/articles-vitrine-releve/  

 

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