Volume 24

Dans certaines grottes, les chercheurs ont dû descendre en rappel. Crédit photo : Courtoisie Jenny Ni

Vie d’ailleurs

« Peux-tu croire qu’à cet endroit on retrouve des centaines de tubes de lave ? », s’exclame l’étudiante à la maîtrise en sciences de la Terre et des planètes à McGill Jenny Ni en pointant la photo d’un paysage terne et sans relief. L’étudiante fait partie d’une équipe de recherche en astrobiologie dirigée par le chercheur en géologie de McGill Richard Léveillé et formée grâce à la collaboration entre l’Université McGill, l’Université Carleton à Ottawa, ainsi que d’autres universités américaines.

« On s’intéresse aux tubes de lave des grottes d’origine volcanique qui semblent avoir été détectées sur Mars par des images satellites et d’autres instruments, explique M. Léveillé. Sur Mars, ces tubes de lave pourraient offrir un environnement protégé de la surface hostile et abriter des traces de vie. » L’étudiante et M. Léveillé sont partis sur le terrain pour la première fois en novembre dernier, pour repérer leurs sites d’études en prévision des prochaines sorties d’échantillonnage. Pendant une semaine, ils ont visité une douzaine de tubes de lave du monument national des Lava Beds en Californie.

Étudier l’espace sous terre

Avec casques de protection, bottes de randonnée et lampe frontale, les deux scientifiques sont guidés par deux à trois techniciens du parc national. « Ils constituent des alliés pré- cieux sur le terrain, puisqu’ils connaissent bien les grottes du parc », explique M. Léveillé. Ces grottes présélectionnées sont très diversifiées et elles sont situées à proximité les unes des autres. Certaines contiennent de l’eau, de la glace ou du biofilm, c’est-à-dire une couche de micro-organismes adhérant à la paroi. Elles sont accessibles par les chemins du parc, en voiture ou après quelques centaines de mètres de randonnée.

Alors que certaines grottes sont aménagées avec des escaliers pour la visite du public, d’autres sont plus difficiles d’accès. Dans l’une d’elles, les scientifiques ont d’ailleurs dû descendre en rappel. « Dans certaines portions des tunnels, il fallait ramper, car c’était très étroit », témoigne Jenny. Elle prend en exemple une photo de M. Léveillé qui émerge d’une grotte ayant une ouverture juste assez grande pour le laisser passer. « Par chance, je ne suis pas claustrophobe ! », s’exclame-t-elle.

Les chercheurs ont pris quelques échantillons d’eau récoltée dans des mares souterraines ou patiemment, au goutte-à- goutte, à partir de la paroi rocheuse. « Les éléments chimiques de l’eau influencent les processus géologiques, comme la formation et la structure des tubes de lave, tout comme les écosystèmes microbiens qu’ils peuvent héberger », explique Jenny, qui est responsable du volet géochimique du projet interdisciplinaire. Les mesures et échantillons pris sur le terrain permettront de caractériser ces écosystèmes et de cibler les conditions propices à la vie.

Pour l’étudiante, cette première expédition a été l’occasion de mettre en pratique toutes les connaissances acquises dans la littérature scientifique. « J’étais émerveillée, j’ai pu comprendre d’un point de vue scientifique ces structures, témoigne Jenny. Ce projet est génial puisqu’il combine autant du travail de labo, l’analyse des données, que du travail sur le terrain. »

Une aventure spatiale

Trouver des traces de vie sur Mars est très compliqué, selon l’astrophysicien et directeur du télescope de l’Observatoire du MontMégantic, Robert Lamontagne. Des centaines de millions de dollars et des années de préparation sont investis dans l’envoi de petits robots qui explorent des régions précises de la planète rouge. « Les projets de recherche réalisés sur Terre sont cruciaux pour tester l’équipement et les techniques utilisés pour les missions spatiales, explique le chercheur. Si nous sommes capables de détecter des formes de vie adaptées à des environnements extrêmes sur notre planète, il est probable que nous puissions détecter des formes de vie analogues ailleurs. » L’équipe du Dr Léveillé travaillera d’ailleurs au développement de nouvelles technologies qui pourraient faciliter la détection de ces grottes depuis la surface martienne, comme des radars.

Le travail ne fait que commencer pour ce projet dont le financement de 200 000 $ fourni par l’Agence spatiale canadienne est assuré pour les trois prochaines années. Au printemps, quatre étudiants aux cycles supérieurs de l’équipe iront de nouveau sur le terrain pour prendre plus d’échantillons. « Il y a si peu de choses connues à propos de la chimie, de la géologie ou de la microbiologie des tubes de lave. Tout est à découvrir ! », pense Jenny. Pour elle, l’occasion de faire partie de cette équipe de recherche en astrobiologie est une expérience incroyable.

L’analyse de ces grottes peut faciliter la conception de robots adaptés à explorer ce type d’environnement sur Mars d’après M. Léveillé. Crédit photo : Courtoisie Jenny Ni.
L’analyse de ces grottes peut faciliter la conception de robots adaptés
à explorer ce type d’environnement sur Mars d’après M. Léveillé. Crédit photo : Courtoisie Jenny Ni.

 

 

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