Culture

Stéphanie Dumouchel travaille au Centre des sciences de Montréal en tant que chargée de projet en expositions. À long terme, Mme Dumouchel assure que les musées, grâce à l’impact qu’ils ont sur le public, pourraient devenir des acteurs de la transition écologique à grande échelle. Photo : Benjamin Harnois

Vers une transition écoresponsable muséale : portrait d’une femme engagée

En octobre dernier, la jeune diplômée de l’UdeM en muséologie Stéphanie Dumouchel a reçu le prix Roland-Arpin pour son mémoire de maîtrise sur l’écoconception en milieu muséal. Quartier Libre a rencontré l’ancienne étudiante de l’UdeM pour revenir sur son travail.

« J’étais surprise et vraiment contente que l’écoresponsabilité soit la vedette du prix Roland-Arpin cette année », se réjouit la titulaire d’une maîtrise en muséologie de l’UdeM Stéphanie Dumouchel. La jeune diplômée a, en effet, reçu ce prix en octobre dernier pour son mémoire sur l’écoconception en milieu muséal. Selon elle, récompenser un travail sur ce sujet témoigne de la prise de conscience liée aux enjeux écologiques, tout en soulignant que cette avancée rend aussi compte des obstacles qu’il reste à surmonter.

De la couture à la muséologie

Pourtant, Mme Dumouchel n’était pas prédestinée à rédiger un mémoire en muséologie. Ancienne couturière, elle a découvert le monde muséal pendant son baccalauréat en anthropologie à l’Université Laval.

Elle a notamment passé trois mois sur les îles Shetlands, en Écosse, pendant cette période, dans le cadre de son programme pour mener une étude ethnographique sur l’histoire du tricot dans la culture écossaise. La jeune femme s’est alors immergée dans l’univers des collections muséales, ce qui lui a permis de cerner leur importance pour la mémoire et la culture locale.

«C’est l’écosystème muséal dans son ensemble qu’il faut repenser.»

Stéphanie Dumouchel, Chargée de projets en exposition au Centre des sciences de Montréal et lauréate du prix Roland-Arpin

À son retour au Québec, elle s’est donc installée à Montréal pour effectuer une maîtrise en muséologie à l’UdeM. Si Mme Dumouchel s’intéressait initialement plutôt à l’étude des collections, elle s’est finalement tournée vers la conception des expositions. L’installation des œuvres et les défis qui s’y rattachent
seraient, en effet, «plus dynamiques» à son goût. Son choix s’est confirmé lorsqu’elle a effectué un stage au Centre des mémoires montréalaises (MEM).

Au cours de cette expérience, Mme Dumouchel, confrontée aux réalités muséales en matière de déchets et de pollution, a également développé sa sensibilité à l’écoresponsabilité. «[À l’époque,] le Québec disposait encore de très peu de littérature à propos de l’impact muséal sur l’environnement», explique-t-elle. Elle a donc décidé d’y consacrer son mémoire. Pour elle, cette thématique «fait sens», et elle se sent ainsi utile et capable d’agir.

La jeune diplômée de l’UdeM, titulaire d’une maîtrise en muséologie, a reçu le prix Roland-Arpin en octobre dernier pour son mémoire sur l’écoconception en milieu muséal. Photo Éric Massicotte, Courtoisie Congrès SMQ

Repenser l’écosystème muséal

« Il est difficile d’avoir des données sur l’empreinte carbone des musées, assure Mme Dumouchel. Par exemple, les visiteurs qui se rendent en voiture au musée sont à prendre en compte dans le calcul de l’empreinte carbone.»

L’ancienne étudiante est tout de même parvenue à démontrer dans son mémoire que les expositions temporaires restent l’un des principaux facteurs de cette empreinte élevée. En effet, les matériaux utilisés pour la scénographie d’une exposition sont majoritairement jetés lorsque celle-ci prend fin. « Au lieu de les réutiliser ou de déconstruire les installations de façon à permettre une bonne gestion des
déchets, c’est la voie de la facilité qui est choisie »
, précise-t-elle.
Les expositions itinérantes se révèlent être aussi des sources de pollution. Mme Dumouchel révèle que « chaque œuvre prend un vol d’avion », exposant ainsi les problèmes des gaz à effet de serre (GES) générés par le transport à l’international d’œuvres provenant de différentes collections.

Face à ces problématiques, la jeune diplômée propose, dans son mémoire, quelques solutions pour réaliser une transition sereine vers l’écoresponsabilité. Pour y parvenir, elle a entrepris des recherches
dans trois musées québécois reconnus pour leur implication en écoconception: le Musée McCord Stewart, le MEM et le Musée des plaines d’Abraham. En analysant leurs démarches, Mme Dumouchel met en évidence l’importance de la réutilisation dans la transition vers des pratiques plus responsables. Elle invite aussi les musées à calculer leur empreinte carbone, à utiliser de meilleurs matériaux comme de la peinture
sans composés organiques volatiles (COV) et à innover dans l’impression du contenu des expositions, notamment en évitant le recours au vinyle (aussi connu sous le nom de PVC).


Ces solutions constituent pourtant autant de possibilités que de défis, reconnaît-elle. En
effet, cette transition vient soulever d’autres enjeux, comme celui du manque d’espace dans les institutions, ou de la charge de travail supplémentaire que nécessite la réutilisation.
Développer toute une communauté, afin de créer un réseau de redistribution des matières écoresponsables, serait la solution, selon Mme Dumouchel. Pour concrétiser cette transition vers un avenir plus respectueux, toute la chaîne de production doit se transformer. «C’est l’écosystème muséal
dans son ensemble qu’il faut repenser »
, affirme-t-elle.

Changer ses habitudes

Pour autant, le plus gros défi reste de «réussir à rallier tout le monde à la cause écoresponsable», déplore Mme Dumouchel. «Une exposition ne se fait pas seule, insiste-t-elle. C’est toute une équipe qui se cache derrière cette réalisation.»

Changer les habitudes demande parfois beaucoup de temps, car la cause écoresponsable ne résonne pas encore de la même manière pour tout le monde, explique l’ancienne étudiante. Quand la demande n’est pas prioritaire et ne vient pas de la direction, le changement peut devenir très complexe.


Bien que des communautés de partage sur le sujet se développent de plus en plus et permettent une meilleure communication, les avis diffèrent et la désinformation autour de l’écoresponsabilité reste encore majeure. «C’est un phénomène tellement nouveau que tout le monde n’est pas informé »,
admet Mme Dumouchel.

Face à cette problématique, la jeune diplômée préconise la mise en place de tests pour observer les méthodes qui peuvent fonctionner ou non, ainsi que la poursuite des recherches afin de rassembler le plus de monde possible autour de ces enjeux.

Et pour l’avenir?


Désormais, Mme Dumouchel travaille au Centre des sciences de Montréal en tant que chargée de projet en expositions. Elle poursuit ses efforts pour partager les connaissances qu’elle a acquises en lien avec l’écoconception.

Pour l’avenir, elle espère «continuer à développer des aptitudes pour rendre les expositions écoresponsables» et entend «influencer positivement ses collègues» sur le sujet.

Dans cette optique, elle a notamment réalisé une exposition photographique entièrement imprimée sur du carton recyclé et recyclable. Interrogé par la chargée de projet et son équipe, le public a souligné avoir aimé le caractère écoresponsable de l’exposition.

Dans de plus en plus d’expositions, l’approche écoresponsable est valorisée. À long terme, par leur incidence sur le public, «les musées pourraient ainsi devenir des acteurs de cette transition à grande échelle», assure Mme Dumouchel.

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