Vers des musées citoyens

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Par Camille Balzinger
lundi 17 février 2020
Vers des musées citoyens
L'étudiant du Cégep Saint-Laurent, Elliot Beaudry, et ses parent visitent l'Écomusée pour en apprendre davantage sur la période de la Grande Dépression. Crédit photo : Jacob Côté
L'étudiant du Cégep Saint-Laurent, Elliot Beaudry, et ses parent visitent l'Écomusée pour en apprendre davantage sur la période de la Grande Dépression. Crédit photo : Jacob Côté
Sortir du cliché des objets poussiéreux aux descriptions complexes, impliquer le public dans son territoire et dans son histoire, et proposer des expériences ludiques. Voici, l’ambition prise récemment par certains musées de la province. Pour diversifier son public, la muséologie citoyenne propose une nouvelle approche.
« On va s’intéresser aux initiatives qui changent non seulement cette institution, mais qui changent les acteurs humains, et donc la société. »
 Johanne Lamoureux, professeure d’histoire de l’art de l’UdeM

Comment un musée peut-il être plus proche des citoyens ? Telle est la question sur laquelle la professeure d’histoire de l’art de l’UdeM Mme Lamoureux va se pencher au cours des sept prochaines années à travers la Chaire de recherche canadienne en muséologie citoyenne dont elle est titulaire depuis 2018. « On cherche à revaloriser les collections et à créer de nouveaux récits, on multiplie les référents pour donner du sens à l’art, c’est vraiment une révolution », explique la professeure.

Créer le dialogue

Mme Lamoureux détaille que, si en 1972, le rôle du musée est passé de la conservation à la diffusion, depuis une dizaine d’années, les musées ont pris un tournant participatif. « Cela soulève la question de savoir si l’exposition faisant l’objet d’une médiation peut supporter un discours réciproque, un discours d’échange », précise-t-elle. L’objectif est d’enseigner au public, mais aussi d’écouter l’interprétation que celui-ci fait des œuvres pour établir un dialogue.

Selon la professeure, la muséologie citoyenne est un élément de ce tournant. « Elle vise à mobiliser des segments de la population qui ne sont pas classiquement au musée, à les inclure et à travailler de manière critique pour que naisse un sentiment d’appartenance au musée », développe Mme Lamoureux. La muséologie citoyenne a une visée réflexive, qui, éventuellement, transforme l’institution. « On va s’intéresser aux initiatives qui changent non seulement cette institution, mais qui changent les acteurs humains, et donc la société », ajoute-t-elle. Elle donne pour exemple le projet « Les mercredis Wiki » du Musée national des beaux-arts de Québec, qui invite les spectateurs à répertorier les œuvres du musée sur le site internet collaboratif Wikipédia, lors d’ateliers organisés selon des thèmes.

Des interactions bénéfiques pour tous

L’Écomusée du fier monde, à Montréal, se décrit comme un musée historique et citoyen. Son directeur adjoint et responsable de la recherche et des collections, Éric Giroux, explique que le musée concerne un territoire précis, une population qui y vit et qui contribue à transformer celle-ci. « Après la désindustrialisation du quartier Centre-Sud, les habitants ont voulu mettre en valeur leur histoire et leur patrimoine », poursuit-il.

Au moment de sa fondation, en 1980, le musée se voulait citoyen dans les thèmes qu’il abordait. Le seul fait d’attirer en son sein de nouveaux spectateurs issus de milieux populaires était une approche nouvelle et un premier niveau de participation. L’étape suivante a été de faire participer les citoyens à la création des projets du musée.

« L’exposition De l’usine à la cuisine, par exemple, rassemblait des objets, photos et témoignages de femmes sur leur expérience du travail à la famille, puis leur engagement communautaire », explique M. Giroux.

Le musée collabore régulièrement avec les groupes communautaires, à son initiative ou à la leur, comme avec l’Atelier des lettres, où des adultes en cours d’alphabétisation créent une exposition et la présentent. « Ils vont avoir leur interprétation de l’exposition, qui n’est pas moins valable que la mienne, qui est simplement différente et apporte un autre regard que celui de quelqu’un ayant une formation en histoire de l’art », rapporte le directeur adjoint du musée.

M. Giroux précise que ces collaborations profitent à tout le monde. « Elles attirent les financements ainsi que la recherche universitaire, la participation des citoyens et un public, à travers le réseau des organismes communautaires », énumère-t-il. Selon lui, l’essence du musée citoyen se trouve dans l’interaction sociale créée. « Via les subventions, le gouvernement encourage les musées à développer des plateformes numériques, alors que je pense que le mandat d’un musée est d’accueillir des gens ici », souligne-t-il.

Vers tous les musées citoyens ?

La mission que s’est donnée l’écomusée à sa création en fait un cas particulier, selon M. Giroux. « L’aspect citoyen fait partie intégrante de son ADN », commente-t-il.

Le directeur estime que mettre en place des initiatives pour inclure davantage l’implication citoyenne dans tout musée est possible, si les efforts y sont mis. Il affirme néanmoins que le milieu muséal est un secteur surmené par des contraintes de temps, d’énergie et d’argent.

« Il s’agit de mener des initiatives ayant un impact », précise Mme Lamoureux. Elle ajoute qu’il ne s’agit pas de montrer uniquement ce que les gens veulent voir, mais de créer un dialogue en profondeur avec des initiatives significatives.