Depuis quelque temps, j’emprunte les traces de pas dans la neige. Constellations de taches d’encre grises. Une meute de loups a visité ce quartier avant mon passage. J’engage ma route dans la leur. Pour voir jusqu’où le chemin me mène.
Devant le Théâtre Outremont, je lève les yeux pour la première fois. Imposante bâtisse de pierres blanches. L’écrivain dont la plume fuit semble s’être arrêté longtemps à cet endroit. Les gouttes, une à une, créent une flaque. Le tracé reprend. Il emprunte le pont du Parc Saint-Viateur. L’eau ne coule plus sous son arc blanc. Le temps s’est figé. Des oies glacées tentent de s’envoler.
Devant la synagogue, je prends un moment, profitant des rayons du soleil. En tournant la tête, je découvre du regard un instant merveilleux. Du toit d’un immeuble la neige s’envole, soufflée par le vent. Des spirales se forment dans le ciel. Elles frappent les éclats dorés projetés par le soleil.
La nuit tombe. L’avenue du Parc est éventrée. Un véritable rift. S’affairent les abeilles orange. D’énormes engins, dont les yeux projettent une intense gélatine lumineuse, mangent la route. Souvent, le regard des bêtes croise la fumée qui s’élève du bitume. Les ouvriers circulent, ralentis: des ombres chinoises.
Plus au nord, sous l’avenue Van Horne qui, dans un sursaut, se relève et offre un passage sous son ventre, je découvre une cour faite de miracles. Chaque pilier abrite des voyageurs éphémères. Un taureau, effrayant le badaud, une série de banquiers destitués et arrimés au sol, des filles venues du futur.
Je réalise être au croisement où a commencé ma fuite. Un seul chemin de pas s’allonge devant moi. Depuis quelque temps, j’incarne les pas dans la neige.