«La plupart des organisations humanitaires essayent d’emboîter le pas des nouvelles technologies comme l’IA », explique le stagiaire postdoctoral au Département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Guillaume Dandurand. Le postdoctorant travaille sur les attentes technologiques au sein du développement d’outils numériques dans les projets humanitaires.
L’IA en soutien aux organismes
Selon le chercheur, l’IA peut représenter un atout pour le travail des organismes humanitaires. « L’IA peut être utilisée pour construire des cartes, en améliorant les clichés flous pris par les satellites, illustre-t-il. La densité de l’information pourrait être améliorée. »
M. Dandurant avance que plusieurs projets se développent au sein de différentes ONG. « Il y a des projets qui sont déployés ou en cours avec Médecins Sans Frontières ou avec la Croix-Rouge. » Il donne l’exemple du World Food Program and Place, qui a pu obtenir une représentation plus précise de certains espaces sur la planète grâce à l’IA L’organisation a pu acquérir une carte qui répertorie la situation de la faim dans le monde et a pu mieux organiser ses interventions auprès des personnes souffrant de malnutrition.
Visualiser le changement climatique
La chercheuse postdoctorale au Mila, Sasha Luccioni, travaille actuellement sur un projet d’utilisation de l’IA pour visualiser le changement climatique. « Notre plateforme a pour but de transformer les projections climatiques en une carte visuelle, qui donnerait des indications futures sur le climat et les risques qui auront lieu dans certaines zones », précise la chercheuse.
Si cette plateforme a essentiellement pour objectif de conscientiser la population sur les changements climatiques, elle pourrait également permettre aux organismes gouvernementaux de prévenir les problèmes et d’intervenir plus efficacement.
Partenariat avec les entreprises
M. Dandurand avance que les organisations humanitaires n’ont pas toujours les ressources ni l’expertise pour développer elles-mêmes des outils utilisant l’IA Les ONG peuvent alors créer des partenariats pour bénéficier de ces technologies. « Google a récemment commencé à travailler avec Médecins Sans Frontières, car il possède les ressources nécessaires », souligne-t-il. Selon un communiqué de l’organisation humanitaire, celle-ci a reçu une bourse de 1,3 million de dollars en 2019 de la part de Google, dans le cadre de la compétition « AI Global Impact Challenge ». Ce prix doit aider l’ONG à développer une application permettant de diagnostiquer la résistance aux antibiotiques dans les milieux à faibles ressources.
Mme Luccioni voit ces associations comme une avancée positive. « C’est une bonne intention que l’on pourrait pousser encore plus loin », déclare-t-elle. Selon elle, ces subventions et associations ont, pour la plupart, des conditions éthiques pertinentes, comme l’obligation de ne pas utiliser l’IA à des fins commerciales.
L’IA limitée et pas toujours utile
« Les projets visant à utiliser l’IA dans l’aide humanitaire sont plus en développement présentement qu’en opération », rappelle M. Dandurand. Il ajoute qu’il faudra attendre un certain temps avant de voir l’usage de l’IA se développer de manière conséquente dans les organisations humanitaires.
« La limite la plus importante à l’utilisation de l’IA dans l’humanitaire serait le déploiement, poursuit Mme Luccioni. Même si, par exemple, on arrive à déterminer, grâce aux données, les directions de fuite des populations lorsqu’un tsunami frappe, les ONG ont des protocoles stricts d’évacuation. » Selon la chercheuse, il faudrait une coordination préalable entre les chercheurs et les ONG pour que les travaux soient utiles.
Utiliser l’IA dans l’aide humanitaire n’apporte pas toujours de résultats. Guillaume Dandurand a travaillé sur l’intégration d’algorithmes intelligents à une plateforme facilitant le partage d’informations entre experts pour un organisme humanitaire. « Un chatbot devait permettre de communiquer avec le plus de gens possible de manière à optimiser l’envergure de la collecte d’information dans des contextes d’urgences humanitaires, explique le chercheur. Seulement, cet algorithme ne valide pas la pertinence et la fiabilité des informations recueillies. » Selon M. Dandurand, les concepteurs ont abandonné la conception du chatbot pour privilégier l’apport d’experts par l’envoi d’un lien, à l’aide de moyens de communication plus traditionnels.