Université autogérée

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Par Mirna Djukic
vendredi 2 décembre 2016
Université autogérée
Dans le hall principal, des étudiants de l’UQAM ont préparé des banderoles dans le cadre de la semaine de l’autogestion. UQAM. Crédit photo : Mirna Djukic.
Dans le hall principal, des étudiants de l’UQAM ont préparé des banderoles dans le cadre de la semaine de l’autogestion. UQAM. Crédit photo : Mirna Djukic.
Une université où étudiants, professeurs et employés décident ensemble du contenu des programmes, de l’allocation des ressources et des politiques internes, est-ce possible? Pistes de réflexion alors qu’une semaine de l’autogestion était organisée à l’UQAM du 14 au 18 novembre derniers.
Il faut se doter de nos propres instances et prendre des initiatives avec nos ressources pour avoir des projets autogérés. »
René Delvaux, ancien délégué étudiant du conseil d’administration de l’UQAM.

« Il faut réfléchir à transformer l’UQAM en une université qui serait faite par et pour la communauté de l’UQAM et pas simplement par et pour les gens qui se cachent dans les étages supérieurs du pavillon D de l’administration », pense le délégué du Syndicat des étudiant-e-s employé-e-s de l’UQAM (SÉtuE), Mathieu Melançon. Selon lui, l’autogestion correspond aux décisions prises équitablement par l’ensemble des acteurs de l’UQAM, autant sur le plan de la vie universitaire, que de l’allocation des ressources.

Or, il n’existe pas de véritable modèle d’autogestion en enseignement supérieur, selon le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM Alexandre Beaupré- Lavallée. « L’autogestion couvre divers degrés de contrôle des travailleurs sur leur milieu de travail, explique-t-il. Les groupes partent d’une définition qui attribue la propriété de l’organisation, et donc le pouvoir légitime, à sa communauté afin de favoriser une prise de décision locale. » Pour le professeur, le concept le plus proche dans l’enseignement est celui de la collégialité.

Ce concept, un des principes fondateurs de l’UQAM, induit que les comités de programme sont paritaires et que les ententes d’évaluation (dates et pondérations des examens) sont déterminées collectivement dans chaque cours. « Actuellement, cette collégialité est mise en échec par le rectorat de Robert Proulx », estime le délégué du SÉtuE.

Le mouvement pour l’autogestion à l’UQAM cherche à pérenniser cette collégialité en réaction aux récentes orientations du recteur, dont le dévoilement du rapport sur la restructuration de l’UQAM. Ce dernier prévoit, entre autres, une redistribution des pouvoirs de certains comités vers les doyens de facultés. En pratique, cela enlèverait beaucoup de pouvoirs des mains des délégués étudiants, d’après l’Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH) et le SÉtuE. « Le mot étudiant n’apparait pas une fois dans le rapport », révèle le coordonnateur à la mobilisation de l’AFESH, Billy Savoie.

De l’idéologie à l’action

Au cours de l’atelier « UQAM autogérée, oui ! Mais comment ? », organisé le 15 novembre dernier, les participants ont exploré différentes pistes de solutions pour favoriser les décisions locales. « La première étape serait de faire prendre conscience aux gens que s’ils veulent le pouvoir, ils peuvent le prendre, affirme Mathieu. S’ils se mobilisent, c’est possible de reprendre en mains leur Université. » Il suggère tout d’abord que le contenu des cours soit déterminé de façon plus participative, particulièrement aux cycles supérieurs.

« Il faut se doter de nos propres instances et prendre des initiatives avec nos ressources pour avoir des projets autogérés », croit quant à lui l’ancien délégué étudiant du conseil d’administration de l’UQAM, René Delvaux qui s’est fait expulser pour son rôle dans les manifestations de 2015. Selon lui, le collectif d’action alimentaire Ras-le-bol, qui milite contre l’insécurité alimentaire depuis 2012, en est un exemple. Les participants distribuent des repas dans l’Université et souhaitent établir une cuisine étudiante autogérée dans l’université.

D’après M. Beaupré-Lavallée, l’imposition d’un modèle d’autogestion quel que soit sa forme, ne règlerait pas ces situations. « La place grandissante du “managérialisme” et l’adoption d’une logique de marché au sein des établissements sont des réponses à des contraintes mises en place par les gouvernements au nom de la société », croit-il. Pour qu’il y ait de réels changements, il faudrait que soit modifié le fonctionnement interne des institutions, au même titre que la relation entre l’État et les universités. « Dans le contexte actuel et avec une définition si floue de ce qui est proposé, il est difficile de prévoir les risques et les avantages de l’implantation d’un tel modèle », ajoute-t-il. Le professeur conclut qu’ils varieraient certainement d’une université à l’autre, en raison de la variété des cultures institutionnelles.

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